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PENJON. — la métaphysique de lotze

et leur enchaînement nécessaire, n’est-elle pas de celles qui leur semblent absolument chimériques ?

Exercer sur les faits une domination pratique, c’est-à-dire pouvoir conclure de conditions actuellement données ce qui en résultera, ou ce qui doit les avoir précédées, ou bien ce qui doit avoir lieu en même temps, en des parties du cours du monde inaccessibles à l’observation, voilà le but des sciences positives. Il est, je suppose, inutile d’insister sur l’étendue des connaissances acquises déjà par d’infatigables et glorieux efforts. Mais la grandeur même de ces résultats a fait naître, et il s’est enraciné dans les esprits, ce préjugé que toute recherche était vaine en dehors des recherches scientifiques. Si l’observation cependant et la comparaison exacte des faits semblent avoir suffi jusqu’à présent pour assurer aux sciences cette domination qu’elles ambitionnent, l’emploi de ces procédés, de la méthode expérimentale, ne se comprend pas, en réalité, sans une supposition antérieure à toute expérience, celle d’une liaison rigoureuse de tous les phénomènes, d’une connexion régie par des lois. Nous n’avons pas le droit de prétendre à l’explication d’une succession quelconque d’événements, à moins de nous prononcer d’abord sur l’existence ou la non-existence de cette connexion dans le cours des choses. Suivant le parti que nous prendrons, les suites de faits qui s’offrent à nous seront rendues explicables ou impossibles à expliquer. « Toute explication, en effet, n’est, en définitive, rien autre chose que la réduction de la simple concomitance de deux faits à une liaison interne réglée par une loi générale ; tout besoin d’une explication et le droit de la demander reposent par conséquent sur la conviction primordialement certaine que cela seulement peut être ou avoir lieu, pourquoi la raison de sa possibilité réside dans une connexion générale des choses, et le principe de sa réalisation, en temps et lieu donnés, se trouve dans les faits particuliers de cette connexion[1]. » En outre, pour la discussion des faits qui nous permet seule de découvrir la teneur des lois du réel, il faut le concours de diverses idées intermédiaires, distinctes de la notion générale de connexion régulière et dont la certitude ne repose pas non plus sur des données empiriques. Il y a donc autre chose à connaître que les lois spéciales selon lesquelles le cours des choses se meut effectivement dans ses diverses directions et qui sont bien réellement l’objet des sciences. La spéculation métaphysique est possible et nécessaire.

Mais cette spéculation, qui donnerait la définition complète de

  1. Introd., p. 5 de la trad. franç.