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vons conclure avec le livre de La Sagesse : Multitudo autem sapientium sanitas orbis terrarum (cap.  vi) ; La multitude des sages est la santé des nations. C’est là l’éternelle vérité, aujourd’hui comme à Jérusalem.

VII

Nous n’avons plus qu’à résumer notre réponse à cette question : y a-t-il une philosophie de l’histoire ? À notre avis, il n’y a pas, si l’on veut en faire une science à part, au-dessus de toutes les autres, une science qui aurait la prétention de nous introduire au sein même des conseils particuliers de Dieu sur le monde et sur l’humanité. Les mouvements de l’humanité ont leur raison dans l’humanité elle-même, intelligente, libre et responsable, et non dans une cause surnaturelle ni dans quelque force cosmique, dans quelque évolution fatale de l’univers qui nous ôteraient la direction et la responsabilité de nos destinées. En ce sens, nous le répétons, il n’y a point de philosophie de l’histoire. Mais il y en a une si on veut bien rabaisser ses prétentions et restituer à l’homme ce qui appartient à l’homme ; il y en a une comme il y a une philosophie de la physique, de la chimie, des sciences naturelles qui se compose des plus hautes généralisations dans le domaine de chaque science. S’il y a des historiens qui observent les faits plutôt qu’ils ne généralisent et remontent aux causes, qui racontent plutôt qu’ils ne jugent ; il en est d’autres doués d’un esprit plus philosophique, qui comparent, généralisent et s’élèvent à des vues d’ensemble, non seulement sur telle ou telle nation en particulier, mais sur l’humanité en général. De là une philosophie de l’histoire.

Parmi toutes ces généralisations, la plus haute, la mieux établie et démontrée, quoique susceptible, nous l’avons vu, de plus d’une fausse interprétation, est la loi du progrès. Le progrès dégagé de tous les rêves et de toutes les chimères qui trop souvent ont compromis sa cause, le progrès tel qu’il nous est donné par la simple observation des faits historiques et sans aucun principe a priori, voilà la loi des lois de l’humanité, voilà, à vrai dire, toute la philosophie de l’histoire. Il n’y a rien au-dessus et il n’y a rien au delà. Où est la cause de cette loi suprême ? Dans l’homme lui-même tel que l’a fait l’auteur de toutes choses, dans sa nature, dans ses facultés. La faculté du progrès, faculté complexe et en laquelle se résument toutes les autres, voilà quelle est la faculté maîtresse de l’homme. Sauf les empêchements et les arrêts du dedans ou du dehors, sauf l’oppression, l’esclavage, la misère extrême et la faim, sauf surtout