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Y A-T-IL UNE PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE ?


I

Nulle science n’a de plus grandes prétentions que la philosophie de l’histoire, qui était l’objet d’un des derniers concours de l’Académie des sciences morales et politiques. On dirait que c’est une science d’un ordre à part qui a sa tête dans le ciel, tandis que ses pieds daignent à peine toucher la terre. Elle laisse au vulgaire des historiens le soin de dépouiller les annales des peuples, de chercher les causes particulières des événements ; quant à elle, son objet est l’ensemble et la suite des nations, les destinées de l’humanité tout entière et les lois absolues, en vertu d’une fatalité consciente ou inconsciente, de son développement à travers le temps et l’espace. Nous ne pensons pas qu’elle ait réussi, jusqu’à présent, à édifier quelque chose de solide et qui lui soit propre.

Est-ce parce qu’elle est jeune, ou bien n’est-ce pas plutôt parce qu’elle se trompe sur sa méthode et sur son objet ? Nous voudrions dissiper quelques malentendus et quelques erreurs que des œuvres éminentes ont fait naître et entretiennent dans un certain nombre d’esprits. Qu’il y ait une philosophie de l’histoire, nous ne le nions pas d’une manière absolue, mais du moins nous sera-t-il permis de chercher à la rendre un peu plus modeste et à l’enfermer dans ses véritables limites.

Rien de plus divers que les systèmes compris sous le nom de philosophie de l’histoire. Cette diversité dépend de la manière d’entendre l’origine et la nature de ces lois auxquelles ils soumettent les destinées de l’humanité. Selon les uns, ces lois, divines entre toutes, seraient la manifestation directe immédiate d’un plan providentiel ; selon d’autres, elles seraient une phase de l’évolution cosmique universelle ; selon d’autres enfin, pour lesquels nous osons prendre parti, elles seraient humaines et elles dériveraient, sans remonter plus haut, de la raison et de la liberté de l’homme.

La philosophie de l’histoire est encore assez généralement entendue comme la science des lois providentielles qui gouverneraient l’huma-