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vue de déterminer s’il était possible d’établir un diagnostic de la substance présentée, suivant la réaction du sujet.

Qu’il nous soit permis en terminant de discuter en quelques mots les objections d’ordre scientifique qui nous ont été faites.

Première objection. — Vous présentez à vos sujets des substances dont ils savent par avance les effets.

Incontestablement, ils savaient par avance que l’alcool enivre et que l’opium endort. V… avait subi auparavant l’influence de la pilocarpine en injection hypodermique. Mais la pilocarpine avait produit le transfert, pourquoi ne l’a-t-elle donc pas renouvelé dans nos mains ? Nous rappellerons ce fait étrange, à savoir que c’est ce sujet qui nous a fait connaître l’action saccharifiante de la salive avec la pilocarpine. Savaient-ils aussi distinguer l’alcool amylique de l’éthylique, l’essence de mirbane de l’essence d’amandes amères ? Nous prions les chimistes, les physiologistes, de vouloir bien nous dire s’ils se chargeraient de reconnaître à l’odeur et à l’aspect une eau de laurier-cerise contenant de l’acide cyanhydrique de celle qui en a été dépouillée ? C’est pourtant ce que Victorine M… fait à maintes reprises sans hésitation.

Seconde objection. — Les sujets apprenaient des expérimentateurs eux-mêmes l’effet attendu, ceux-ci ne prenant pas la précaution de garder un silence qui, dans ces cas, est indispensable.

On nous fera l’honneur de croire que nous connaissions auparavant quelque chose de la suggestion ; que, tous les premiers, nous nous sommes fait la même objection, et que par conséquent nous avons pris les précautions requises.

D’autre part, qui donc, à notre place, eût annoncé par avance que l’hydrogène donnerait une excitation génésique ? que la valériane agirait sur ces malades comme elle fait sur les chats ?

Comment aurions-nous annoncé l’action de paquets préparés à notre insu, de flacons dont nous ignorions le contenu ?

Troisième objection. — On objecte encore : il suffit que vous ayez su les effets à produire pour influencer mentalement et malgré vous un sujet que vous dominez par les pratiques ordinaires de l’hypnotisme et de la suggestion. Les hystériques, on le sait, sont des chiens savants, des automates bien montés.

Cette réflexion qui est celle qui vient la première à l’esprit, nous ne la considérons pas comme une objection, dans l’ignorance où nous sommes du mode d’action des substances à l’extérieur. Si les médicaments agissent par suggestion, c’en est au moins une d’ordre tout nouveau.

Toutefois, nous prions de remarquer que jamais nous n’avons pu réussir à faire une seule suggestion, nos sujets étant en état de veille. Ils y sont absolument réfractaires, tant qu’ils ne sont pas en somnambulisme.

D’autre part et même en somnambulisme, jamais nous n’avons pu obtenir d’eux une action commandée, si le commandement n’était pas nettement exprimé par la parole ou le geste. Sans préjuger de la sug-