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société de psychologie physiologique

de l’entrain, de la gaieté, qu’elle chantera et jouera du piano avec encore plus de brio que d’ordinaire. Mlle X… obéit à cette suggestion, rit, cause avec vivacité ; le chloral ne produit donc rien tout d’abord, cependant un peu plus tard elle a la gorge irritée, un goût fort, une odeur éthérée qui l’incommodent.

Cette action était bien insuffisante pour être démonstrative. Le docteur Thomas prend un flacon de solution de morphine dans l’eau de laurier-cerise à 2 p. 100 et le place tout bouché dans la main du sujet.

Après une courte période d’agacement, Mlle X… se renverse sur son siège, endormie, mais restant en relation avec nous ; elle a une hallucination agréable, se retrouve au milieu de sa famille, qu’elle chérit, et qui est éloignée d’elle depuis longtemps.

L’hallucination persistant sans varier, nous substituons à la morphine un flacon de racine de valériane, qui produit aussitôt une excitation considérable ; la main brûle, Mlle X… ne peut demeurer tranquille et veut jeter le flacon.

Nous substituons un flacon de chloral, toujours bouché, et presque aussitôt le calme renaît. Un flacon d’eau de laurier-cerise donne une sorte de ravissement au ciel. Un flacon d’alcool amène l’hallucination de bêtes effrayantes, que l’ammoniaque fait cesser.

Plusieurs fois nous repassons ces diverses substances sans ordre et indifféremment. Les mêmes tableaux se reproduisent.

Nous n’avons guère ici, il est vrai, que des impressions psychiques, mais ces impressions ont été spéciales à chaque substance. Les médicaments n’ont agi que par contact direct du vase qui les contenait, alors qu’approchés, débouchés, les vapeurs, les odeurs les plus vives, les plus caractéristiques, n’avaient rien fait.

Pendant que l’un de nous, retenu loin de Rochefort, s’efforçait de généraliser les résultats acquis, l’autre, poursuivant sur nos deux anciens malades, cherchait à préciser les conditions expérimentales, la distance à laquelle agissait la substance, les différences de son action en vases scellés, ou bouchés, ou débouchés, la dose nécessaire, la dilution.

Nous espérions arriver à ébaucher la formule des lois des actions médicamenteuses à l’extérieur. Dans cet ordre d’idées nous n’avons rencontré encore que résultats paradoxaux et contradictoires. Des retours d’anciennes impressions se produisant à contre-temps troublaient toutes nos conclusions. C’était la dernière action produite ou celle qui avait été répétée le plus souvent qui revenait hors de propos, par un véritable souvenir inconscient, quand la substance présentée était placée dans de mauvaises conditions pour agir franchement.

Nos sujets peu à peu devenaient moins sensibles, par une sorte de transformation lente, mais continue.

Nous en étions là lorsque nous avons reçu la visite de M. Ch. Richet, avec MM. Rondeau, Gley et Ferrari. Nous arrêterons ici cet historique, sans parler des expériences que M. Ch. Richet a eu l’idée d’instituer, en