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Si importants que fussent les résultats acquis, nous avions intérêt de avoir si nos sujets avaient des réactions tout exceptionnelles, ou, ce qui était plus vraisemblable, si ces actions ne devaient pas se retrouver avec des degrés et des nuances chez tous les nerveux, tous les hystériques au moins.

Nous avons mis un flacon de chloral bouché dans la main d’une hystérique simple, et, malgré des efforts évidents, malgré une conversation animée, elle a succombé bientôt à un sommeil invincible. Malheureusement nous n’avons pu continuer à expérimenter sur cette femme.

À Paris, au service de M. Charcot, deux ou trois hystériques nous ont donné l’ivresse alcoolique avec titubation, vomissements et le reste. M. Féré a renouvelé ces expériences. Dans le service de M. Dumont pallier, nous avons aussi obtenu quelque succès.

C’est alors que nous avons communiqué au Congrès de Grenoble (août 1885) les résultats acquis. M. le directeur Duplouy voulut bien, de son autorité scientifique, appuyer une communication qui pouvait soulever plus d’un doute. Malheureusement, nous ne pouvions montrer les faits aux membres du Congrès. Nous devons donc doublement remercier de son appui notre éminent directeur. Cette publication avait pour but d’appeler l’attention des neuro-pathologistes et de les porter à renouveler nos expériences, vérifier nos résultats, joindre leurs efforts aux nôtres dans la détermination de ces phénomènes nouveaux.

Un peu plus tard, comme l’un de nous se trouvait à Toulon, on lui signala un matelot qui était aisément hypnotisé par un médecin de marine, M. Pascal. Des expériences furent tentées avec ce jeune collègue, qui, seul, avait de l’influence sur cet homme, Pas plus que ceux qui avaient essayé auparavant, nous n’avons pu réussir à l’endormir. Des médicaments lui furent présentés sans succès à l’état de veille. Mais une fois en somnambulisme, l’alcool produisit l’ivresse ; le chloral, un sommeil profond, pendant lequel aucune excitation n’agissait, et l’hypnotiseur habituel n’était pas plus entendu que les autres personnes. C’était bien autre chose que le sommeil hypnotique. Après dix minutes de cette action, évidemment due au chloral, le sujet se remit spontanément en état de somnambulisme d’où il était parti, se retrouva en communication avec celui qui l’avait endormi et, un instant après, par son ordre, revint à l’état de veille. L’hypnotisme avait agi pour placer la sensibilité au point nécessaire à l’action extérieure du médicament, et ces deux influences s’étaient superposées sans s’influencer l’une l’autre.

À Toulon encore, nous avons vu, avec notre excellent collègue le professeur Félix Thomas, une femme hypnotisable qui a subi l’action de plusieurs substances. Après l’avoir fait passer par différentes phases de l’hypnotisme, lui avoir fait des suggestions pour nous assurer de son impressionnabilité, on approcha de la tête, du cou, plusieurs flacons débouchés, chloral, alcool, eau de laurier-cerise ; tous restent inactifs à l’état de veille comme durant le somnambulisme. Avec le chloral, dont elle sentait bien l’odeur, on lui dit que cette substance va lui donner