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La thébaïne a occasionné un sommeil entrecoupé de secousses convulsives générales.

Les divers alcaloides de l’opium avaient donné une action commune, la sommeil avec des phénomènes spéciaux à chacun d’eux, dont le plus important est la convulsion de la narcotine et de la thébaïne.

Les jours suivants, les expériences furent poursuivies. Un flacon d’atropine est mis au contact de la plante du pied ; après trois secondes, le sujet reste immobile, les yeux ouverts ; bientôt les paupières se ferment, les yeux sont convulsés, et après quelques instants les pupilles se dilatent. Au réveil, il existe de la photophobie. En faisant agir l’atropine pendant l’action de la morphine ou de la narcéine, les pupilles contractées se dilatent.

Le chloral dans du papier, appliqué sur le bras, en moins d’une minute donne un sommeil avec ronflement.

La nicotine appliquée sur plusieurs régions ne donne absolument rien.

Un flacon de digitaline à la plante du pied amène presque immédiatement des efforts de vomissements, de crachotements ; le pouls est faible et inégal, la respiration suspirieuse, entrecoupée. Ces phénomènes arrivèrent à une intensité qui alarma sérieusement plusieurs médecins qui assistaient à l’expérience.

Le sulfate de quinine en flacon n’eut aucun effet ; appliqué directement sur le front, la tête se mit à trembler, et à la fin de l’action le sujet accusa une violente céphalalgie.

De même la caféine en flacon n’eut aucun effet ; appliquée directement sur le bras, il y eut une violente excitation, de très longue durée, avec accélération notable du pouls et de la respiration.

Un des jours suivants, le malade étant couché le soir, on glisse sous son oreiller un paquet de feuilles de jaborandi. En moins d’une minute, les paupières se ferment, le sommeil survient avec résolution complète. Trois minutes après, le sommeil cesse, la salive coule de la bouche, filante ; la peau est humide ; le malade s’essuie, se plaint de chaleur. En reprenant conscience, il annonce un goût sucré au moment où il boit du lait ou lorsqu’il met une cigarette à ses lèvres. Cette action saccharifiante de la salive, consécutive à l’action de la pilocarpine signalée par M. Vulpian, nous était inconnue ; c’est le malade qui nous l’a apprise. Nous ferons remarquer que dans cette expérience la substance active n’avait eu aucun contact avec la peau, était même demeurée éloignée.

Ici s’arrête la première série de nos expériences et, nous osons le dire, la plus importante et la plus décisive. Comme on pense bien, malgré toute notre réserve, elles avaient fait du bruit et ému l’opinion dans l’École de médecine. Tous les médecins qui avaient voulu voir étaient surpris autant que possible, mais absolument convaincus de la réalité de ces phénomènes. Parmi ceux qui n’avaient pas vu, comme c’est l’ordinaire, se trouvaient tous les opposants. Les uns niaient réso-