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puisse se proposer d’étudier. « Né le 20 juillet 1754, d’une ancienne famille écossaise établie en France depuis la guerre de Cent ans, fils d’un officier de mérite, officier lui-même, puis député aux États généraux, membre libéral de la Constituante, commandant de la cavalerie à l’armée du Nord en 1792, enfermé comme suspect sous la Terreur, et relâché après le 9 thermidor, sénateur sous le Consultat et sous l’Empire, membre de l’Institut, philosophe idéologue de l’école de Condillac, auteur de plusieurs mémoires et d’un grand ouvrage intitulé Éléments d’idéologie, mort en 1836. — Voilà la notice biographique d’Antoine-Louis-Claude Destutt, comte de Tracy. »

M. Chabot, professeur de philosophie à Moulins, a été amené à s’occuper d’un homme qui fait le plus grand honneur au Bourbonnais. Il a brièvement raconté la vie si simple et si digne de M. de Tracy. Il a brièvement aussi parlé des ouvrages et de la philosophie, des idées pédagogiques et politiques du commentateur de Montesquieu, de l’ami de Cabanis, d’un des membres du premier conseil d’instruction publique qui ait existé en France. En peu de pages, M. Chabot a réussi à nous donner une idée nette et exacte de son auteur. Sans vouloir faire un résumé complet de ses théories philosophiques, il a montré ce qu’il y a d’original dans sa doctrine, et ce qui, aujourd’hui encore, mérite d’attirer notre attention. « La réaction, dit M. Chabot, s’accentue de jour en jour contre l’observation superficielle et la description purement littéraire de la vie de l’esprit. Le mouvement scientifique emporte cette psychologie souvent fantaisiste pour y substituer une étude expérimentale, précise et méthodique. La psychologie nouvelle n’est pas une métaphysique ; elle veut être et sera une science réduisant les phénomènes compliqués à des lois de plus en plus simples. Et si l’on accepte cette idée et ses conséquences, si l’on en comprend toute la valeur, n’est-ce pas justice de reporter, au moins en partie, l’honneur de cette initiative à Destutt de Tracy ? »

Nous souhaitons que l’opuscule de M. Chabot donne à ceux qui le parcourront le désir de lire Destutt de Tracy lui-même : nous ne craignons pas d’affirmer que cette lecture sera pour eux aussi agréable qu’instructive ; qu’ils retrouveront chez le philosophe français bon nombre des idées que nous avons dû reprendre depuis chez les étrangers, et qu’enfin ils y puiseront le goût de la précision, de la clarté qui sont loin, quoi qu’on dise, d’exclure nécessairement et toujours la profondeur.

F. Picavet.

Edmond Thiaudière.La proie du Néant. Notes d’un pessimiste, Paris, Paul Ollendorf. Un volume petit in-12, iv-239 p..

Le livre est dédié à Léa et à Mosès, et Léa avec Mosès sont les deux chiens de M. Thiaudière. Écrite en quatre lignes, cette dédicace eût pu faire illusion, elle eût pu laisser croire à une ironie demi inconsciente