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ANALYSES.ch. chabot. Destutt de Tracy.

s’est plus trouve dans le monde antique d’âme assez courageuse et assez fière pour se sentir attirée par la sévérité et la hautaine grandeur de ses préceptes. Il est resté gisant sur le sol comme une de ces armures anciennes qui excitent encore l’admiration par leurs dimensions et leur force, mais dont personne n’ose plus essayer de se revêtir. »

La méthode suivie par l’auteur, pour résumer ses conclusions, nous paraît indiscutable :

« Les défauts et les erreurs qui déparent cette doctrine, dit-il, sont devenus faciles à découvrir ; les énumérer et les mettre en lumière serait un travail aussi long qu’inutile. Il vaut mieux rappeler brièvement les quelques points sur lesquels les théories stoïciennes se recommandent encore à l’attention de la philosophie contemporaine. » Et il rappelle qu’ils semblent avoir vu les premiers l’antinomie du déterminisme et de la liberté ; que leur logique offre l’un des efforts les plus heureux qui aient été faits pour expliquer comment l’existence de l’erreur ne détruit pas toute possibilité d’une certitude. « Mais c’est surtout, ajoute-t-il, dans leur théorie du souverain bien et des véritables conditions de moralité que les premiers stoïciens ont montré la profondeur et l’originalité de leur génie philosophique. » Nous ajouterions volontiers que leurs théories sur la finalité, sur la providence et l’optimisme ont eu une influence capitale sur la philosophie ancienne et moderne[1].

En résumé, ceux qui soutiennent que l’école stoïcienne n’a pas eu une doctrine unique, mais qu’elle a suivi un développement régulier et subi des transformations successives en Grèce et à Rome, trouveront dans le livre de M. Ogereau des textes qui leur permettront d’examiner de plus près la doctrine contraire. Ceux qui pensent que la doctrine a toujours conservé une forme identique y puiseront les meilleures raisons qu’on puisse invoquer en faveur de cette thèse. Enfin ceux qui, se désintéressant de tous ces systèmes, veulent avant tout acquérir une connaissance exacte du stoïcisme, rencontreront une exposition claire et précise des principaux dogmes stoïciens, une traduction heureuse des termes usités dans l’école, un souci incessant d’atteindre la vérité historique. Nous souhaitons que tous ceux qui liront cet ouvrage y trouvent le plaisir et le profit que nous avons eus à le relire et à l’analyser.

F. Picavet.

Charles Chabot. Destutt de Tracy (27 pages).

Il y a bien longtemps qu’un philosophe a consacré dans notre pays un ouvrage à M. de Tracy. C’est cependant une des figures les plus intéressantes, un des philosophes les plus originaux et les moins connus qu’on

  1. C’est ce que nous avons essayé de mettre en lumière dans notre édition du livre II du de Natura Deorum (F. Alcan).