Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
289
ANALYSES.a. laggrond. l'univers la force et la vie.

liberté est réelle, de là la contradiction. L’accroissement d’une liberté réelle est utile, l’accroissement d’une liberté illusoire ne sert de rien.

C’est à la même cause que sont dues les vues inexactes de l’auteur dans sa théorie du sublime. Si l’on peut dire que le beau est l’accord de nos deux puissances, peut-on dire aussi que le sublime augmente notre liberté ? N’est-ce pas au contraire l’espèce d’anéantissement que nous éprouvons en face de l’immensité qui constitue l’émotion sublime ? Parfois aussi sans doute la liberté peut être exaltée, mais ce n’est pas l’ordinaire. Avons-nous devant un amoncellement chaotique de montagnes écroulées le sentiment plus vif de notre liberté ? Quelques analyses psychologiques comme celles dont M. Adam nous a donné dans son livre plusieurs bons exemples l’auraient empêché d’adorer cette idole de théâtre, comme eût dit Bacon.

Nous avons déjà loué la belle ordonnance de l’ouvrage, nous louerons encore la justesse habituelle de l’expression. Les discussions sont sobres et fermes. On pourra regretter peut-être que, dans un livre sur le beau et sur l’art, l’auteur ait cru devoir presque constamment donner un tour si algébrique à sa pensée. On aimerait plus de flamme en un pareil sujet. L’auteur a comme un parti pris de se maintenir sur le terrain de la discussion abstraite ; il s’aventure timidement sur le terrain de l’art, et, quand il le fait, il ne parle guère que des poètes. Une analyse plus fréquente de ses impressions en face des chefs-d’œuvre de la musique ou de la peinture eût donné à son livre plus de vie, et nous eût probablement épargné quelques critiques. Il serait injuste d’oublier d’ailleurs que ce livre est un début, qu’une idée neuve s’y trouve exprimée, sinon avec une entière justesse, du moins avec une grande part de vérité, qu’il contient nombre de pages fines et judicieuses, d’aperçus ingénieux et, pour tout dire, qu’il renferme plus que des promesses.

G. Fonsegrive.

A. Laggrond. L’univers, la force et la vie. Paris, Félix Alcan, 1884.

« Ce livre, dit M. Édouard Pellis dans un avis au lecteur, est tiré des papiers d’un ami, rencontré en Bohême d’abord, puis sur le chemin d’Égypte. Je remplis l’intention de l’auteur en le publiant, après en avoir coordonné quelques parties, mais en respectant même les développements qui pourront sembler étranges. Laggrond est un pseudonyme.

« Ces pages ne trouveront peut-être pas un grand nombre de lecteurs, car elles sont le fruit d’une pensée longuement mûrie… Il est peut-être regrettable que l’auteur n’ait pas reproduit les formules de l’action des forces sur les masses : une conclusion algébrique eût relié son travail à tous les traités de mécanique. »

L’ouvrage comprend une introduction et six chapitres qui traitent de