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ascension vers le mieux, et si le mieux suppose le parfait ; si c’est ce désir de perfection qui, travaillant sourdement le monde et l’humanité, arrache à l’indétermination et à l’inertie du néant les forces brutes et pensantes pour les porter toujours plus avant et plus haut ; si le Bien est ainsi la raison d’être de l’être et la cause finale absolue : — n’est-il pas conforme à l’analogie que cet idéal des choses et des âmes existe encore en acte, qu’il ne soit pas éternellement une simple possibilité du futur, et comme un beau rêve des consciences ? Dieu — n’hésitons pas à le nommer — serait alors la conclusion dernière du raisonnement analogique, l’explication suprême du progrès.

Ces vues, il ne convient pas de les développer ici, mais nous avons cru devoir les indiquer, pour montrer quel rôle pourrait encore jouer en théologie naturelle le principe de l’analogie. Butler a le mérite d’en avoir fait une application méthodique ; mais, en prenant pour accordée la thèse fondamentale du théisme, il a réduit à des proportions un peu minces l’intérêt et la portée de son œuvre. Au fond, c’est à la seconde partie qu’il tenait sans doute le plus, celle où il traite de la religion révélée. Mais, comme philosophes, nous avons le droit de ne pas l’y suivre, pas plus que nous ne suivons aujourd’hui Pascal dans son exégèse des Écritures. Le métaphysicien, dans Butler, reste inférieur de beaucoup au moraliste, et c’est la hauteur de l’inspiration morale qui donne presque seule un sérieux attrait à nombre de pages de l’Analogie.

L. Carrau.