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II

Les développements qui précèdent nous permettent d’être plus brefs dans l’exposé du reste de l’ouvrage. Butler établit successivement, par analogie avec ce que révèle l’expérience de cette vie, que chacun dans l’autre monde sera récompensé ou puni (ch.  ii) ; que ces peines et récompenses seront en rapport avec ce genre de conduite que nous appelons vertueuse ou vicieuse, bonne ou mauvaise moralement (ch.  iii) ; que la vie présente est un état d’épreuve (ch.  iv), et de discipline (ch.  v), à l’égard de l’autre vie ; que les objections tirées de la doctrine de la nécessité, ne détruisent pas pas l’idée d’un gouvernement divin du monde (ch.  vi) ; qu’enfin les difficultés que l’on peut élever contre la sagesse et la bonté de ce gouvernement s’évanouiraient avec une connaissance du plan providentiel plus parfaite que celle qu’il nous est possible d’avoir ici-bas (ch.  vii).

Ce sont, on le voit, les chapitres ii, iii, iv et v qui contiennent tout ce qu’il y a d’essentiel dans l’argument. Des deux termes de l’analogie, le premier seul est objet d’expérience directe. Or, celle-ci montre que dans cette vie notre conduite est récompensée ou punie suivant une certaine loi. Le bonheur et le malheur sont la plupart du temps les conséquences de nos actions. Dira-t-on que ces conséquences sont nécessaires, parce qu’elles résultent du cours même de la nature ? Mais Butler admet comme accordé que ce cours des choses est l’œuvre d’une puissance intelligente. Dieu n’a pas besoin de coups d’état pour gouverner le monde ; l’uniformité et la régularité des lois qu’il a établies ne sont pas un argument contre sa Providence. Si les lois civiles pouvaient agir d’elles-mêmes, si elles portaient en elles leurs propres sanctions, serait-il logique d’en conclure qu’il ne peut exister de législateurs ni de magistrats ?

La réponse n’est peut-être pas décisive. Dans l’hypothèse d’une matière nécessaire et éternelle, la Providence n’aurait évidemment pas sa place. Les atomes d’Épicure s’agrègent dans le vide sans obéir à d’autres lois qu’à celles de la pesanteur et du caprice qui porte quelques-uns à décliner. Mais la question reste de savoir si cette hypothèse n’est pas contradictoire, si un monde éternel et nécessaire est véritablement intelligible. Butler n’entre pas dans ce débat. Il n’est pas un métaphysicien ; il se tient dans la région moyenne des opinions généralement reçues, et cherche seulement à faire sortir d’un minimum de théisme qu’il prend comme postulat, quelques conclusions plus contestées relativement à une vie future. Mais pourquoi un Dieu bon punirait-il après la mort ? C’est un