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de la religion naturelle. Nous savons par une de ses lettres qu’il fut de bonne heure préoccupé de trouver une preuve vraiment démonstrative de l’existence de Dieu. Cette démonstration, il ne la fournit pas, il est vrai, dans l’Analogie, où il prend pour accordé qu’ « il y a un auteur intelligent de la nature, et un gouverneur naturel du monde » ; il admet comme valables les preuves diverses qui ont été données de ce postulat, depuis l’argument des causes finales et du consentement universel, jusqu’à l’argument ontologique de saint Anselme et de Descartes. Cependant si l’Analogie ne s’adresse pas aux athées, elle a tout au moins la prétention de combattre les matérialistes qui nient l’immortalité de l’âme ; elle a aussi celle d’établir l’existence d’une Providence dont le gouvernement s’étend au delà de l’univers physique et de la vie terrestre, et dispose, comme sanction, de récompenses et de peines éternelles. L’Analogie est donc plus qu’un simple apologétique, elle est aussi une œuvre de philosophie religieuse ; c’est à ce titre seul que nous allons l’étudier.

I

Le titre complet de l’ouvrage de Butler est : Analogie de la religion, naturelle et révélée, avec la constitution et le cours de la nature. Dans la première partie, l’analogie est établie par rapport à la religion naturelle, et, dans la seconde, par rapport à la religion révélée.

Considérons la nature comme un système dont l’humanité est un des éléments essentiels. Demandons-nous ce qui, pour l’individu comme pour les sociétés, résulte au sein de ce système, et en vertu de l’ordre général auquel il est assujetti, de telle conduite, de tel caractère, de telles habitudes morales ; interrogeons l’expérience sur la signification des rapports qui existent entre les lois de l’univers physique et le développement, la condition, la destinée terrestre de l’homme nous pourrons, par analogie, conclure que, s’il y a une autre vie, les choses se passeront de même ; la vertu, qui fait notre bonheur ici-bas, le consommera là-haut, et réciproquement, au vice qui nous rend déjà malheureux dans le temps sont attachées des peines qui ne finiront pas.

L’analogie, pour être valable, suppose que la constitution des choses que notre expérience n’atteint pas a pour auteur la même intelligence dont l’action se révèle à nous dans cette partie de la nature qui est accessible à notre observation. L’analogie, en effet, est une ressemblance entre deux relations : un certain rapport est constaté dès cette vie entre les lois du monde et la conduite vertueuse ou vicieuse de l’homme ; un rapport analogue doit exister