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sivement un certain nombre de lettres. G… me regarde attentivement, suit les mouvements des lèvres et de la langue et, au bout de quelques minutes, elle prononce automatiquement quelques-unes des lettres que je pense et elle réussit d’autant mieux à mesure que l’expérience se prolonge. G… ne fait en somme que ce que font les sourds-muets qui parviennent à lire sur les lèvres ; mais elle le fait avec une délicatesse beaucoup plus grande, puisque les lettres ne sont pas prononcées.

On assiste à la reproduction du phénomène que j’ai désigné sous le nom d’induction psycho-motrice, et qui consiste dans la reproduction automatique du mouvement que l’on voit faire ; or nous savons depuis les expériences de Braid que toute attitude ou tout mouvement suggère une idée corrélative ; et nous arrivons en fin de compte à reconnaître que la communication de pensée n’est qu’une communication de mouvements, et que la suggestion mentale se réduit à une suggestion par la mimique, phénomène beaucoup moins mystérieux et plus accessible à l’étude. Les suggestions seront plus complexes si le sujet est plus sensible ; si certains sujets sont capables de saisir un mouvement inappréciable pour la plupart, rien de surprenant que tel autre, plus sensible encore, puisse être frappé d’une modification de circulation ou de sécrétion.

VII

Les observations et les faits expérimentaux que nous avons rapportés sont capables d’éclairer le mode de production de certaines dégénérescences ; on peut encore, croyons-nous, en déduire une théorie du rôle pathogène de la dégénérescence.

On peut dire que la dégénérescence consiste essentiellement dans une diminution de vitalité, se traduisant par une atténuation générale des fonctions organiques, généralement avec une certaine prédominance sur un organe ou sur un tissu.

Nous avons vu que, pour modifier la perception d’une couleur (transformation en sa complémentaire)[1], on peut employer deux moyens qui réussissent également : 1o modifier l’état vibratoire du sujet par un excitant physique ou mécanique, comme le diapason ; 2o modifier mécaniquement l’excitant sensoriel en le mettant en mouvement, en le faisant vibrer différemment.

D’autre part, il faut considérer que ces modifications de la sensibilité par rapport aux modifications de l’état vibratoire du sujet ou de l’excitant sensoriel ne se produisent que chez des sujets déter-

  1. La polarisation psychique (Rev. philos., mai 1885).