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CH. FÉRÉ. — sensation et mouvement

diminution de la sensibilité de tout le côté correspondant, c’est-à-dire un phénomène inverse de celui que nous avons vu se produire dans les faits de dynamogénie déjà signalés.

Comment la compression circulaire d’un membre détermine-t-elle le phénomène de l’inhibition ? Il y a lieu de croire que l’obstacle apporté aux actions musculaires joue un rôle important. En effet, si sur une hypnotique on provoque par excitation directe une contracture des membres supérieurs pendant la léthargie, on peut voir persister la rigidité fixe des muscles après le réveil, et en même temps une diminution de la sensibilité générale et spéciale du même côté.

VI

L’existence d’une relation nécessaire entre le mouvement et toute sensation ou toute représentation mentale, propre à établir que toutes les opérations psychiques ont nécessairement un équivalent moteur, constitue une notion très importante en psychologie, et cette notion peut être immédiatement utilisée par l’interprétation d’un phénomène qui a beaucoup attiré l’attention dans ces dernières années, je veux parler de la suggestion mentale, de la communication de pensée. On a remarqué que dans certaines circonstances une personne avait pu comprendre la pensée d’une autre sans que cette dernière eût fait aucun mouvement apparent : c’est ce qui constitue le phénomène occulte de la communication de pensée, dont on ne rend compte qu’en imaginant des fluides mystérieux. Or, si on peut prouver expérimentalement qu’il ne se passe rien dans l’esprit qui ne se traduise à l’extérieur par des mouvements, des modifications de la circulation et par conséquent des sécrétions, etc., par une modification générale des fonctions organiques, il s’ensuit qu’il est seulement nécessaire de savoir lire les signes extérieurs pour connaître ce qui se passe dans l’esprit.

Or nous savons que certains sujets, et les hypnotiques en particulier, sont doués, dans certaines circonstances, d’une acuité sensorielle exagérée ; de nombreuses observations le démontrent : il est donc possible de comprendre que ces mêmes sujets sont capables de saisir certains signes qui échappent à la plupart des individus.

Je prends un exemple très grossier. Lorsque je pense une lettre, j’ai la sensation distincte d’un mouvement qui se passe dans ma langue ; si je pense la bouche ouverte, ce mouvement se voit d’une façon très vague, tandis que les lèvres paraissent complètement immobiles. Je me place en face de G… en somnambulisme ; c’est la première fois que l’expérience est faite sur elle : je la prie seulement de me regarder. Je reste la bouche entr’ouverte, et je pense succes-