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CH. FÉRÉ. — sensation et mouvement

qu’une excitation soit assez intense pour déterminer chez la mère des mouvements visibles ou seulement conscients pour que le fœtus réagisse. J’ai interrogé à ce point de vue un certain nombre de femmes enceintes, et plusieurs ont pu m’affirmer avec la plus grande netteté, qu’il suffisait qu’un coup de sonnette, qu’un son un peu brusque, qu’une odeur forte, etc., vint les impressionner pour que les mouvements du fœtus se manifestent, bien que ces excitations n’aient pas provoqué chez elles de mouvements de surprise, ni même de sensations musculaires assez intenses pour éveiller leur attention. Il semble donc que pour une même excitation le fœtus soit un réactif plus sensible que la mère.

Je puis observer actuellement à la Salpêtrière, une hystérique enceinte et qui offre, soit dit en passant, le phénomène sur lequel j’ai déjà eu à insister, l’élévation des zones douloureuses ovariennes[1] ; Cette femme prétendait qu’il lui suffit d’entrer dans le cabinet du laboratoire de photographie qui ne reçoit que de la lumière rouge pour que les mouvements du fœtus se produisent immédiatement ; il m’a été facile de vérifier la réalité du fait à plusieurs reprises. Une autre femme m’a donné un renseignement analogue ; mais je n’ai pu le vérifier directement.

Un autre exemple de l’intensité plus marquée des excitations du fœtus est fournie par un autre fait que j’ai communiqué à la Société de biologie[2] et relatif à une jeune femme morphinique, chez laquelle les accidents propres à l’abstinence de morphine se manifestaient surtout d’abord par des mouvements spasmodiques du fœtus qui nécessitaient rapidement la reprise du poison. J’ai eu occasion de faire depuis des remarques analogues chez une femme soumise à l’action du bromure de potassium.

La facilité avec laquelle on peut provoquer les mouvements du fœtus par des excitants sensoriels agissant sur la mère, permettent de soutenir que tous les mouvements dits actifs du fœtus, sont en réalité des mouvements réflexes consécutifs à une excitation dont la mère peut n’avoir pas conscience.

J’ai fait remarquer précédemment que lorsqu’un sujet est fatigué, est en état de faiblesse irritable, comme disent les Anglais, ses réactions aux excitations sensitives ou sensorielles sont beaucoup plus intenses. Cette circonstance nous explique comment les mouvements du fœtus sont plus énergiques à certaines heures de la journée, précisément à celles où la mère, consciemment ou non, se trouve rela-

  1. Bull. Soc. biol., 1881.
  2. Morphinisme et grossesse (Bull. Soc. biol., 1882).