Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
255
CH. FÉRÉ. — sensation et mouvement

aux lois de la pesanteur. Dans les asiles d’aliénés, certains anciens persécutés à idées de grandeurs donnent bien la représentation de l’attitude d’extension, tandis que les mélancoliques avec stupeur en proie aux obsessions les plus pénibles nous montrent un type de flexion des plus remarquables.

La corrélation de cette érection générale avec le sentiment de plaisir avait été pressentie par Gratiolet, qui s’exprime ainsi : « Quand un plaisir s’éveille, à propos d’une sensation quelconque, l’organisme entier chante sur divers tons un hymne de satisfaction et de joie[1]. » Si sous l’influence du plaisir ou de la douleur certains muscles paraissent se contracter d’une manière plus évidente, ce peut être en raison de leur prédominance fonctionnelle, de certaines habitudes acquises ; mais ce qui domine, c’est la tension générale dans les émotions excitantes, et le relâchement général dans les émotions dépressives. Il faut reconnaître d’ailleurs que Duchenne de Boulogne lui-même a dû signaler des faits contradictoires à sa prétendue localisation exclusive[2].

Quand on a constaté méthodiquement, et par divers procédés, des modifications dynamiques des muscles des membres et même des muscles viscéraux sous l’influence des sensations dites agréables, il devient impossible de soutenir que la satisfaction se traduit exclusivement par la contraction du grand zygomatique et de l’orbiculaire des paupières, etc.

Et si les expériences de MM. Charcot et Richer ont montré que la contraction provoquée de certains muscles de la face peut déterminer une attitude générale appropriée, il n’est pas moins vrai qu’une excitation générale du système nerveux, comme celle qui se produit lorsqu’un sujet est soumis à l’électrisation statique, s’accompagne d’une sensation de satisfaction très marquée chez quelques individus.

IV

Il résulte des faits précédemment exposés que toute espèce d’excitation quel que soit le sens sur lequel elle porte, détermine une augmentation de l’énergie potentielle et des contractions musculaires, involontaires, se manifestant à la fois dans les muscles de la vie de relation et dans les muscles de la vie organique.

D’autre part, une irritation préalable d’un sens quelconque modifie

  1. P. Gratiolet, De la physionomie et des mouvements d’expression, 1869, Hetzel, p. 30.
  2. Duchenne (de Boulogne), Mécanisme de la physionomie humaine, 2e éd., 1876, p. 18 et suiv.