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grossière. D’ailleurs tous les sujets sains que j’ai mis en expérience se sont parfaitement rendu compte que, sous l’influence de la rotation du disque coloré, la sensation devient plus intense.

Ces faits montrent que le mouvement exagère l’intensité de la sensation colorée ; du reste, plusieurs sujets normaux que j’ai soumis à l’expérience m’ont déclaré que la sensation pour une couleur quelconque était toujours plus vive lorsque le disque tournait. Si le mouvement et les rayons colorés sont capables de déterminer des effets qui s’additionnent, c’est qu’ils ne diffèrent pas essentiellement par leur nature. Les expériences qui précèdent peuvent donc être citées à l’appui de la théorie mécanique de la lumière et des sensations colorées. Ajoutons encore que, chez certaines hystériques, on peut provoquer la perception d’une couleur qui n’a jamais été distinguée auparavant, en mettant le sujet en présence d’un disque de cette couleur en rotation rapide.

Cette action dynamogène du mouvement donne l’explication d’un certain nombre de faits que l’on comprend mal sans cette notion. Le goût des jeux de force et d’adresse, d’agilité (lutte, course, combats de bêtes, etc.) n’a pas d’autre raison. On aime le mouvement sous toutes ses formes, et sa représentation a dans les arts la plus grande importance au point de vue de l’esthétique.

En faisant intervenir la connaissance de ce fait que tout sentiment de plaisir réside dans une sensation de puissance, on peut comprendre le mécanisme de l’action psychique, des différentes excitations que nous avons eu à étudier précédemment.

Il faut noter d’ailleurs que, chez le sujet en expérience, la fixation du disque coloré et la mise en mouvement de ce disque s’accompagnent d’une modification de la physionomie qui finit par prendre une expression de satisfaction des plus nettes, lorsqu’il s’agit des couleurs les plus excitantes. Cette remarque, qui peut être faite à propos de toutes les autres excitations sensorielles ou sensitives, concorde avec l’ensemble des résultats énoncés précédemment, à savoir que toute excitation détermine non pas seulement la tension d’un muscle ou d’un groupe de muscles, mais une érection générale de l’organisme tout entier. Et c’est justement à cette érection, qui s’accompagne d’une augmentation de la tonicité de tous muscles, qu’est due l’expression de satisfaction ou de plaisir qui se traduit non seulement par l’aspect de la face, mais encore par l’attitude du corps, où domine l’extension ; tandis qu’à l’état inverse, la dépression, correspond un relâchement musculaire général qui se traduit dans les membres et le tronc par la prédominance de la flexion et dans la face par la flaccidité des mêmes muscles, d’où il résulte que les chairs semblent s’abandonner