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des disques immobiles, et je prends comme précédemment la force dynamométrique sous l’influence des diverses couleurs : j’obtiens ainsi des résultats tout à fait semblables à ceux que j’ai déjà signalés. Puis je mets successivement chaque disque en mouvement et, répétant chaque fois l’exploration dynamométrique, je constate que pour toutes les couleurs il y a une augmentation en rapport avec la rapidité du mouvement. Cette augmentation varie de 3 à 5, à 8 pour chaque couleur dans des conditions que j’essayerai d’indiquer tout à l’heure ; mais auparavant, je désire rappeler un point d’historique :

Depuis près de dix ans, Gaëtan Delaunay, qui vient de mourir, poursuivait une étude physiologique qui n’a pas abouti à une démonstration évidente parce que ses procédés de recherche étaient défectueux : il s’est servi à peu près exclusivement de la méthode statistique et les observations qu’il réunissait n’avaient pas pour la plupart été faites par des personnes compétentes ; mais il n’en est pas moins vrai qu’il a pressenti avec une intensité remarquable que la direction des mouvements avait une valeur physiologique, et il a cherché à établir que la direction de certains mouvements à droite ou à gauche était en rapport avec le degré d’évolution. Il a fait à ce sujet un certain nombre de communications à la Société de biologie et je n’ai pas à y insister davantage.

D’autre part, un mathématicien, M. Ch. Henry[1], se basant sur des considérations théoriques que je ne suis pas en mesure de suivre, fait jouer un rôle prépondérant à la direction dans l’esthétique. Mais la démonstration d’une théorie scientifique de l’esthétique est subordonnée à la constatation des effets physiologiques des sensations soidisant agréables ou soi-disant désagréables : les unes produisent, comme nous l’avons montré, une augmentation de force disponible, tandis que les autres diminuent cette même force.

Pour bien comprendre la valeur de la direction du mouvement, il fallait que le rôle physiologique du mouvement fût préalablement établi. Mes précédentes recherches sur l’action dynamogène des excitations sensitives et sensorielles montrent nettement cette action des vibrations et du mouvement en général.

Quoi qu’il en soit, la direction du mouvement a-t-elle une action physiologique ?

C’est précisément cette action que démontrent peut-être les différences que je signalais tout à l’heure, entre les résultats de l’exploration dynamométrique sous l’influence de la sensation visuelle d’un

  1. Ch. Henry, Introduction à une esthétique scientifique (Revue contemporaine, 25 août 1885).