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CH. FÉRÉ. — sensation et mouvement

sujet a pu sentir l’odeur de l’alcool et la suggestion s’en est suivie. M. Bourru n’a pas réussi à la Salpêtrière à provoquer à distance les effets physiologiques de la pilocarpine, tandis qu’un des malades qui lui ont fourni un résultat favorable, avait été soumis à Bicêtre à un traitement par la pilocarpine. Cette apparente contradiction vient à l’appui d’une remarque que j’ai déjà faite autrefois à savoir « qu’un objet inconnu ne suggère rien ». Il serait intéressant de savoir si dans les expériences ou apparences négatives de M. Dumontpallier relativement à la suggestion de vésicatoires, les sujets avaient eu à supporter des applications de ce genre. On comprend que la suggestion peut être grandement aidée lorsque le sujet peut évoquer le rappel d’une sensation véritable.

Si on reconnaît d’ailleurs que certains sujets peuvent avoir une sensation cutanée au voisinage de l’aimant, il faudra bien reconnaître du même coup que ces sujets, somnambules, hystériques ou névropathes, sont doués d’une sensibilité exagérée et que par conséquent ils sont capables d’éprouver des sensations et des effets physiologiques différents de ceux qu’on a l’habitude d’observer chez les sujets sains ou réputés tels.

III

J’ai déjà eu occasion d’insister sur ce fait que la vue d’un mouvement détermine, chez certains sujets du moins, la nécessité de le reproduire, ce qui revient à dire que l’idée du mouvement c’est déjà le mouvement qui commence ; et on peut constater la réalité du phénomène en mesurant l’augmentation de force musculaire. On comprend ainsi comment l’attention peut exagérer la puissance du mouvement. D’autre part, j’ai montré que l’intensité des réactions aux sensations de l’ouïe et de la vue au moins peut être mise en rapport avec le nombre et l’amplitude des vibrations de l’air et de l’éther, c’est-à-dire avec l’énergie d’un mouvement initial qui provoque la sensation.

J’ai réalisé une expérience qui met en lumière, je crois, l’action dynamogène du mouvement en général, et montre que le mouvement est susceptible d’accroître la valeur d’un excitant.

Sur un sujet qui est sensible à l’action dynamogène des couleurs, et chez lequel on provoque très facilement le phénomène de l’induction psycho-motrice, j’ai opéré ainsi qu’il suit : J’ai disposé des disques de carton, de différentes couleurs, rouge, vert, bleu, jaune, sur une sorte de roue de rouet, dont on se sert ordinairement pour mettre en mouvement les disques avec lesquels on expérimente le mélange des couleurs. Je prie le sujet de fixer avec attention chacun