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vait que le rouge voit toutes les autres couleurs que voyait auparavant l’œil droit, et la main gauche donne une pression plus forte que la main droite avant l’expérience, etc. Les observations de M. Brown-Séquard, relatives au transfert provoqué par des lésions expérimentales douloureuses de la moelle, coïncident avec ces faits. Il ne faut plus s’étonner de la multiplicité et de la variété des agents susceptibles de produire le soi-disant transfert, qui n’est en somme qu’un épiphénomène de la dynamogénie : ne sait-on pas en effet que, chez une hystérique hémianesthésique une série de transferts provoqués par un esthésiogène quelconque est suivie d’un rétablissement au moins temporaire de la sensibilité.

Mais le point que je désirais surtout signaler, c’est que l’aimant agit comme un excitant sensoriel et comme dynamogène. J’ai mentionné déjà que certaines excitations non perçues, parce qu’elles portent soit sur des organes atteints d’anesthésie morbide, soit sur des organes normalement insensibles comme l’utérus, ont des effets dynamogènes très nets. Il faut d’ailleurs faire des réserves sur l’absence de sensation à l’aimant : certains sujets déclarent qu’ils ont une sensation vague de courant d’air, de vibration, etc., et de ce que ce sont des hystériques, il ne découle pas qu’on soit en droit de nier leur dire. Ces sujets dégénérés, doués d’une vibratilité spécifique inférieure à celle des individus sains, sont ébranlés par des excitations plus faibles.

La similitude d’action de l’aimant et des autres excitants sensitivo-sensoriels est peut-être propre à éclairer un peu l’action physiologique de l’aimant et à faire cesser certains désaccords qui persistent parmi les observateurs ; il est possible en effet que, suivant le sujet, il agisse tantôt comme aimant, tantôt comme métal, tantôt comme corps froid, etc.

Je ferai remarquer que ces expériences, qui semblent propres à appuyer la possibilité de la sensation de l’aimant à distance chez certains sujets, offrent un certain intérêt au point de vue des faits annoncés récemment par MM. Bourru et Burot, relatifs aux effets de certaines substances qui agiraient sans être mises directement en contact avec l’organisme : lorsque, par exemple, on approche de certains sujets, doués d’une sensibilité spéciale, un flacon d’alcool bouché en apparence hermétiquement, on voit survenir au bout d’un certain temps des phénomènes d’ébriété.

J’ai expérimenté sur un sujet qui avait servi avec succès à M. Bourru, en bouchant le flacon à l’émeri et recouvrant et le bouchon et l’orifice d’une épaisse couche de cire : il ne s’est rien produit ; j’en conclus que dans l’expérience de M. Bourru l’occlusion était insuffisante ; le