Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
245
L. DAURIAC. — l’acoustique psychologique

1o Elle peut amener au seuil de la conscience des sensations jusque-là inaperçues. En fait, il n’est pas de silence absolu, il n’en est pas de si complet qu’on ne puisse en observer un plus complet encore. D’autre part, l’attention peut croître sans cesse : dès lors il faut renoncer à fixer la limite au delà de laquelle, sous l’influence de l’attention, le nombre s’accroît des perceptions conscientes.

2o Un bruit intérieur continuel a besoin, même pour être très faiblement et très difficilement entendu, de l’attention la plus grande. Et il est bon qu’il en soit ainsi. Cette loi psychologique est un bienfait pour l’homme et lui épargne nombre de désagréments : avis aux pessimistes.

3o Des sons prolongés ou régulièrement intermittents sont de moins en moins entendus. La remarque de M. Stumpf est juste. Mais cette diminution de l’intensité apparente n’est pas toujours aussi rapide qu’on le souhaiterait, surtout quand il s’agit de sons régulièrement intermittents. Les personnes auxquelles le bruit du canon est désagréable s’accoutument très vite à ce bruit, si les coups de canon se succèdent à une seconde d’intervalle ; si l’intervalle excède une minute, l’accoutumance est incomparablement plus lente. Verdi, dans son Miserere du Trovatore, a fait usage du tam-tam : c’est un instrument qui rappelle à la fois le bruit de la cymbale et le son de la cloche. Au lieu de faire résonner le tam-tam sur chaque temps de la mesure, il le fait résonner toutes les deux mesures environ ; pour-quoi ? Parce que si les coups de tam-tam étaient plus rapprochés, l’oreille s’y habituerait plus vite et l’effet obtenu serait moindre.

Ce chapitre, comme tous les autres de la Tonpsychologie, a son genre d’intérêt propre ; comme tous les autres, il vaut par les détails. C’est dire que rien ne peut en remplacer la lecture. Nous ne pouvions promener le lecteur dans tous les sentiers nouveaux frayés par M. Stumpf ; nous pouvions, du moins, dessiner une carte sommaire des pays récemment explorés et donner par cette ébauche une idée de la carte originale. Nous croyons que les psychologues la consulteront avec fruit et que les musiciens ne perdront point leur temps, tout au contraire, s’ils veulent s’exercer à la lire. Reconnaissons, pour notre part, que M. Stumpf a porté la lumière dans notre conscience de musicien, et qu’il nous a appris beaucoup de choses que, à vrai dire, nous savions en grande partie depuis longtemps, mais que nous ignorions savoir.

On n’a de la Tonpsychologie qu’une première série d’études, où l’auteur, comme il vient d’en être rendu compte, traite des jugements sensibles en général, puis de ces mêmes jugements au point de vue de l’appréciation plus ou moins exacte des sons successifs.