Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
L. DAURIAC. — l’acoustique psychologique

Quand juge-t-on qu’un piano a besoin d’être accordé ? Quand les notes du médium résonnent faux. Cela tient à deux causes : 1o D’abord on joue le plus souvent dans l’étendue des troisième, quatrième et cinquième octaves : les pianistes peuvent se contenter des deux clefs de sol et de fa (seconde ligne). Les notes exigeant des portées supplémentaires sont employées, mais à titre exceptionnel. Ici se place une remarque importante. Le compositeur qui écrit pour le piano a plus souvent recours aux portées supplémentaires de la clef de sol qu’à celles de la clef de fa. 2o En second lieu, si pour juger du bon accord d’un piano on fait résonner les notes du médium, cela tient à la loi posée par M. Stumpf : la finesse de perception augmente au fur et à mesure qu’on se rapproche des notes moyennes en partant des sons bas, et ne diminue point tant qu’on reste dans le domaine des sons musicaux. Nous sommes de ceux chez qui la décroissance de la certitude est moins rapide dans les régions élevées que dans les régions basses. M. Stumpf aussi. Lorsque je veux imiter le roulement du tambour, je fais une trille sur le la et le si de la première octave (deuxième en dessous des lignes de la clef de fa). Je me fais l’effet d’entendre la même note : il est vrai qu’alors je ne cherche pas à distinguer, tout au contraire ; l’illusion est voulue. Mais avant d’être voulue elle était possible. Si je fais résonner l’ut de la neuvième octave (troisième en dessus des lignes de la clef de sol), je le distingue faiblement, à vrai dire, du si qui le précède, mais très nettement du si bémol. Dans les octaves supérieures, je perçois une différence d’un demi-ton ; dans les octaves inférieures, une différence d’un ton m’est imperceptible. Pourquoi ? J’inclinerais à en chercher la cause dans l’usage plus fréquent, chez les pianistes compositeurs, des octaves élevées.

XI

Nous voici arrivés au dernier chapitre de la Tonpsychologie, où il est question des jugements relatifs aux intensités. Ces jugements sont directs ou indirects. Les premiers sont les plus importants, mais les autres ne sont point négligeables. Un chanteur exercé donnera facilement deux fois une note avec la même intensité, à un jour d’intervalle, mais il lui sera beaucoup plus difficile de reproduire avec la même intensité une note qu’il aura entendu donner la veille à un autre chanteur. Dans le premier cas, un jugement médiat est possible, fondé sur des sensations musculaires grâce auxquelles est conservé le souvenir de la note et de son intensité.

Les variations d’intensité s’accompagnent-elles toujours de variations dans la qualité ? On l’a soutenu. M. Stumpf est d’un avis con-