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L. DAURIAC. — l’acoustique psychologique

rapprochées provoqueront une seule sensation d’une hauteur soit constante, soit constamment variable. Enfin, puisque la durée d’un son grave est supérieure à celle d’un son aigu, le jugement d’intervalle différera suivant que l’on aura fait entendre tout d’abord le plus ou le moins grave des deux sons. Un même intervalle sera donc, selon les cas, tantôt perçu, tantôt inaperçu. — Quand les excitations ne frappent qu’une seule oreille, elles doivent se succéder plus rapidement ; dans le cas contraire, le jugement d’analyse perdrait en exactitude. De plus, chez presque tous les hommes, la sensibilité des deux oreilles n’est pas égale, l’oreille droite percevant les mêmes sons un peu plus hauts que l’oreille gauche. — Les sons au timbre desquels on est accoutumé donnent lieu à des jugements plus aisés et plus exacts, surtout lorsqu’ils ont un certain degré de hauteur et de force. Tel peut mesurer avec une exactitude presque irréprochable la hauteur relative de deux sons, au piano, qui en est souvent incapable, au violon. — Même aux gens exercés, il arrive souvent de prendre un son faible pour un son bas, de prendre le plus élevé de deux sons pour le plus fort. On comprend, par ce qui vient d’être dit, à quelle multiplicité de conditions est soumise la certitude des jugements : on est loin de les connaître toutes.

X

C’est un fait d’expérience que tout le monde ne perçoit point la même étendue de sons. Aux limites extrêmes de la série des sons, surtout à la limite supérieure, il est des sons que les uns entendent et qui échappent aux autres. Dans l’état normal, et à la limite supérieure, l’étendue de ce qu’on pourrait appeler le champ d’audition distincte varie ou peut varier, selon les individus, d’une octave et demie. Puis à côté des variations d’étendue il y a les variations de délicatesse. Grant Allen cite le cas d’un homme de trente ans qui, au piano, distinguait les sons aigus des sons graves, mais confondait l’une avec l’autre deux notes voisines. On sait que chacune des deux oreilles perçoit un son différent : chez certains, la différence s’élève jusqu’à un quart de ton. Quelquefois on entend double, et la différence entre les sons perçus peut atteindre une octave. Ce qui varie d’individu à individu n’est pas seulement l’aptitude à distinguer les sons, mais encore la facilité plus ou moins grande à s’en souvenir. Pour être bon musicien, la mémoire fidèle de la hauteur absolue des sons est-elle indispensable ? Non, répond hardiment M. Stumpf, et son avis est le nôtre. L’auteur du présent article, depuis sa jeunesse, partage son temps entre la philosophie et la musique. Cela ne l’empêche point de ne pouvoir, si une personne