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Ce n’est pas tout. Les sons graves sont donnés ou par des cordes (piano) ou par des tuyaux (orgue) longs, cu par les instruments les plus longs et aussi les plus gros. Non seulement ils frappent l’oreille, mais parfois ils ébranlent le corps tout entier ; ils s’entendent aussi de plus loin. Ces remarques suffisent à expliquer pourquoi le son, inétendu de sa nature, se comporte comme s’il avait avec l’étendue des relations de parenté directe. Il n’en est le parent que par alliance. En somme, les jugements par lesquels on affirme qu’un son a de la lenteur, de la profondeur, de l’éclat ou de l’acuité proviennent non de l’exercice d’un sens isolé, mais de l’exercice simultané de plusieurs sens. En raison de la rapidité avec laquelle ces jugements se forment chez l’adulte, on les croirait directs, immédiats, spontanés. Mais il faut compter avec les lois de l’habitude, peut-être aussi avec les lois de l’hérédité.

Revenons avec M. Stumpf aux jugements directs et notons quelques-unes des conditions de leur certitude, je veux dire de leur plus ou moins de probabilité[1]. Tout d’abord, la sûreté avec laquelle on compare deux sons varie en raison directe de leur différence. — La sensibilité varie de personne à personne ; de là vient que des différences identiques entre des sons de même région donnent lieu à des différences d’appréciation. Pierre jugera autrement que Paul. Paul jugera demain autrement qu’aujourd’hui, quoiqu’il n’y ait rien de changé dans l’excitation. Notons, en outre, et cela résulte de remarques précédentes, que les jugements d’intensité comportent plus d’erreurs que les jugements de qualité. — La durée des sons, l’intervalle entre eux, leur position respective dans le temps sont autant de facteurs dont les jugements subissent l’influence. Si l’on attache au terme son une signification subjective[2], il est clair que plus un son durera, plus le jugement provoqué aura de chances d’être sûr. L’intervalle de temps qui sépare deux sensations successives influe sur l’analyse de ces sensations et sur les jugements qui en résultent. Enfin la certitude du jugement n’est point la même suivant que le premier des deux sons entendus est le plus ou le moins haut. La mémoire ne retient pas également bien les sons hauts et les sons bas.

Si l’on prend le mot son dans le sens objectif, autrement dit dans le sens d’excitation, il paraît hors de doute que la durée de l’excitation doit avoir son importance, car une excitation trop courte ne donnerait lieu à aucune réaction psychique. Deux excitations trop

  1. § 12.
  2. Celle de sensation sonore.