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L. DAURIAC. — l’acoustique psychologique

appelle l’autre, d’ailleurs). La série des sons lui paraît devoir être conçue infinie, car on peut toujours concevoir des sons ou plus aigus ou plus graves que ceux que l’on vient d’entendre. En outre, la distance qui sépare deux sons, si petite soit-elle, peut toujours être abrégée, du moins mentalement. Entre 1 et 2 vous pouvez insérer une série infinie de quantités fractionnaires, 1/2, 1/4, et cela sans combler l’intervalle qui les sépare. Mais tout ce que l’on conçoit ne se réalise point. Aux deux extrémités de la série des sons, par exemple, il est une limite au delà de laquelle les sons aigus et les sons graves deviennent imperceptibles : la même chose arrive pour les distances. Une distance peut être jugée nulle sans cesser d’être réelle[1].

La série des sons est continue. Deux sons m et n entre lesquels il n’est pas d’intervalle de silence ne se succèdent point directement. Entre eux il est toujours une représentation intermédiaire , qui commence à m et finit à n, sans que, pendant la durée de la représentation , nous percevions une pluralité de sons successifs. Cet n’est ni un m ni un n mais un son sui generis. Le son paraît exempt de toute pluralité. Ce n’est probablement là qu’une apparence.

L’infinité et la continuité appartiennent à l’espace. Or le son n’est-il pas indépendant de cette catégorie ? n’est-il pas « frère de l’âme », selon l’ingénieuse expression de M. Egger ? D’ordinaire les sons paraissent n’occuper aucun lieu. N’est-il point absurde de dire qu’un son tient plus de place qu’un autre ? D’où vient alors que le concept de lieu fournisse des épithètes au vocabulaire de l’acoustique ? Pourquoi parle-t-on de gammes montantes et de gammes descendantes ? Est-ce parce qu’on élève la tête en chantant à mesure que les notes s’élèvent ?

Peut-être conviendrait-il de chercher d’autres raisons : en voici. L’éclat d’un foyer lumineux nous semble plus vif quand il est élevé : de là est née l’habitude de donner l’épithète d’éclatants aux sons hauts. Toutes les sonorités éclatantes paraissent élevées : mais un son éclatant est tout autre chose qu’un son aigu ; l’éclat n’est donc point fonction de la hauteur.

M. Stumpf remarque, avec beaucoup de raison, selon nous, qué les sons, à mesure qu’ils deviennent bas, perdent de leur « poli ». Lorsqu’on essaye un piano, on fait d’ordinaire une série d’observations dont voici les principales. On s’assure que les basses sont sonores et longuement vibrantes ; que les cordes des octaves supérieures ne donnent pas des sons trop faibles ; que les sons du médium ont du « velouté ». Les pianistes connaissent bien ce terme.

  1. § 10, 1.