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sonores ? Oui. D’abord on peut admettre entre les deux sons un rapport de gradation pour la hauteur, aussi bien que pour l’intensité : la gradation révèle sa propre direction ascendante ou descendante.

« Supposons qu’on ait à comparer la hauteur de deux sons reconnus inégaux. Sera-t-il indispensable de faire intervenir un nouvel élément ? J’interroge une personne ; je lui demande lequel de deux sons entendus est le plus haut. Je la suppose ignorante du sens qu’il convient d’attacher au terme hauteur. Pour l’en instruire, je prends comme exemple les deux sons ut et sol. Ces deux sons-là serviront-ils plus tard de points de repère pour le cas où il lui faudrait répondre à d’autres questions du même genre ?

« La façon la plus simple de formuler la théorie consiste à admettre une espèce de rapport de gradation (Steigerungs Verhältniss) pour les qualités, analogue à celui qu’on admet pour les intensités. Cette concession suffit. Abstraction faite des erreurs que l’exercice peut amoindrir, on sera capable de reconnaître que le rapport des hauteurs de deux sons nouvellement perçus b : c est égal au rapport de deux sons précédemment entendus a : b. On sera capable de déterminer la gradation et sa direction et par suite de juger hic et nunc lequel de deux sons est le plus élevé[1]. » On peut aussi recourir à une autre méthode. Trois sons différents étant donnés, on peut directement juger auquel des deux autres le troisième ressemble le plus. Dès lors on est conduit à ces deux propositions : 1o trois sons étant donnés, il est un son moyen entre les deux autres ; 2o la série des sons n’a qu’une dimension : de là suit qu’entre deux sons donnés il n’est jamais qu’un seul son moyen. Ceci posé, pour savoir lequel de deux sons est le plus haut, on cherchera quel est, de deux sons, le plus semblable à l’un des sons extrêmes de la série. Des deux explications proposées, la première seule semble conforme au témoignage de la conscience.

VIII

La perception de la gradation est-elle une fonction primitive ou une fonction dérivée ? Elle est, selon M. Stumpf, une fonction primitive. Pour apprécier la hauteur relative de deux sons, rarement il recourt à un troisième son, ou très haut ou très bas, auquel il compare les deux autres. Il est évident, ou peu s’en faut, que l’idée de recourir à un son limite suppose antérieurement la perception immédiate et directe de la gradation des sons. À ce propos, il convient de remarquer que l’oreille prend position, en quelque sorte, pour

  1. Tonpsychologie, p. 140.