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L. DAURIAC. — l’acoustique psychologique

de musiciens. La réponse du Valmajour dans Numa Roumestan : « Cela m’est venu en entendant chanter le rossignol, » est plus franche qu’exacte. Le chant du rossignol est peut-être mélodieux : à coup sûr il n’est pas mélodique. L’oiseau a l’ignorance des règles de la mélodie : le Valmajour en a l’inconscience, ce qui n’est point la même chose, il s’en faut de beaucoup.

Revenons à l’Improvisateur napolitain. Pendant qu’il chante, ses doigts pincent les cordes d’une guitare. À la mélodie, une harmonie sert de véhicule. L’harmonie, voilà la seconde méthode à l’aide de laquelle on fait naître le plaisir musical, et elle consiste dans une consonance où le choix des parties consonantes est soumis à des règles stables. Le plaisir musical est donc une synthèse de deux plaisirs distincts, quoique simultanément éprouvés, celui de la mélodie, celui de l’harmonie. C’est ce sentiment ou plutôt cet ensemble de sentiments dont l’étude analytique et synthétique est l’objet propre de la psychologie musicale.

Toutefois, avant de l’aborder, si jamais il l’aborde, M. Stumpf entend faire la psychologie, non des sentiments musicaux, mais des perceptions, ou plutôt, car il nous est permis de parler sa langue, des jugements auditifs : de ces jugements, les uns se rapportent aux sons simultanément entendus, les autres aux sons successifs. M. Stumpf commence par ces derniers.

La hauteur est ce qui caractérise un son. Priez quelqu’un d’émettre des sons différents, il haussera ou baissera le voix sans songer à la rendre plus forte ou plus faible. Toutefois une différence de qualité entre des sons successifs n’est pas toujours nécessaire à la perception de leur pluralité. Il suffit, pour cela, qu’un intervalle les sépare, je veux dire un minimum d’intervalle perceptible, car, ne l’oublions point, les jugements sensibles n’ont jamais qu’une certitude approximative. Deux excitations restant discontinues, la sensation qu’elles produisent peut être jugée continue. Il importe donc de mesurer ce minimum d’intervalle perceptible.

Deux sons séparés par un intervalle de temps peuvent être comparés, grâce à la mémoire : on les déclare identiques ou différents selon les cas, et les chances de se tromper varient en fonction de la durée de l’intervalle et de la vivacité de la reproduction. Ici, les dispositions naturelles jouent un grand rôle. Des musiciens se rencontrent qui savent déterminer la hauteur d’un son, c’est-à-dire le comparer aux sons précédemment entendus, sans même recourir à l’estimation des intervalles.

On demande : « De ces deux sons quel est le plus haut ? Pourra-t-on répondre tout de suite et sans autre donnée que les sensations