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L. DAURIAC. — l’acoustique psychologique

sont point deux, mais un seul. Mais deux états de conscience de même contenu peuvent aussi être perçus comme plusieurs ; qualitativement identiques, ils diffèrent les uns des autres par l’instant où on les perçoit, par les parties de l’espace où on les localise.

Les jugements appelés comparaisons embrassent des relations multiples, entre autres celles de gradation : ce mot désigne les intensités croissantes ou décroissantes. Il peut y avoir jugement de gradation et jugement de ressemblance. Selon M. Stumpf la perception de la ressemblance est une fonction mentale primitive. Les disciples de Herbart, au contraire, soutiennent que, pour affirmer une similitude, il faut avoir préalablement perçu une identité et une différence partielles. Étant donnés trois sons, l’un grave, le second moyen, le troisième aigu, le premier me semble, moins que le second, ressembler au troisième. Où est, dans ce cas, la perception antérieure, jugée indispensable, d’une identité partielle ? Quelquefois la similitude provient d’une égalité de rapports, comme pour les triangles semblables, à côtés inégaux. Quelquefois elle résulte d’une identité de parties. Deux tapisseries sont faites avec les mêmes couleurs, plus clairement on perçoit les éléments identiques, plus clairement aussi on perçoit les parties dissemblables.

VI

Reste à examiner ce que M. Stumpf appelle les jugements qui ont pour objet une « comparaison de distance (Distanz Vergleichung) » et nous aurons achevé la première partie du premier volume[1]. Apprécier la distance de deux sensations, c’est mesurer leur degré de dissemblance. Faut-il, pour cela, se représenter des sensations intermédiaires ? On a soutenu cette opinion. On estime que la grandeur du passage (die Grösse des Ubergangs) peut servir à mesurer la distance[2]. Mais qu’est-ce que cela, « la grandeur du passage ? » Est-ce le temps employé à le franchir ? Ce temps n’est pas une quantité fixe (il varie, par exemple, avec la rapidité de la marche) : donc il ne peut servir de mesure. Est-ce le nombre des sensations intermédiaires ? Alors on opérera sur celles-ci comme on aurait voulu opérer sur les sensations mise en cause, et on mesurera leur distance. Dès lors on doit reconnaître que la distance se mesure directement. Cependant il peut être utile de diviser une grande distance en plusieurs autres pour la mieux mesurer

  1. Le tome II de la Tonpsychologie est encore à paraître.
  2. § 7, p. 127.