Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
231
L. DAURIAC. — l’acoustique psychologique

questions et l’on donne lieu à des jugements : puis, sans faire varier l’excitation, on provoque des circonstances capables de désorienter le jugement. Pour mesurer l’étendue de la sensibilité, chez une personne, on fixera les limites, inférieure et supérieure, en deçà et au delà desquelles l’excitation lui devient insensible. La délicatesse de la sensibilité se mesurera au moyen de deux excitations dont on fera diminuer la différence, et l’on notera le moment où elles deviendront indiscernables.

Parmi les causes qui influent sur la valeur des jugements sensibles, l’attention vient en première ligne[1]. Il est donc important de savoir comment l’attention s’éveille. D’abord, tout changement la fait naître et toute persistance d’un changement la fait décroître. En cas de sensations simultanées, l’attention choisit, pour se concentrer sur elle, ou la plus forte, ou la plus agréable, ou celle qui évoque le plus de souvenirs, ou celle qui peut devenir le point de départ d’une volition. Son intensité dépend encore de causes physiologiques, entre autres de l’état du système nerveux. Ainsi, l’attention est suscitée ou modifiée par un nombre presque infini de causes.

A-t-elle pour effet d’accroître l’intensité des sensations ? Certains le pensent. Il arrive néanmoins qu’un son faible, attentivement écouté, reste faible et même qu’on le sente décroître. Toutefois il semble que l’attention peut accroître l’intensité d’une sensation, quand celle-ci n’a pas encore atteint le degré maximum d’intensité correspondant à celui de la source excitante ; elle l’aurait spontanément atteint sans l’influence du système nerveux. L’attention paraît neutraliser cette influence. En outre elle prolonge la durée d’un état de conscience, et permet ainsi d’apprécier plus exactement une sensation actuelle.

L’attention a pour auxiliaire « l’exercice » (Uebung), qui influe, elle aussi, sur la certitude objective des jugements sensibles, les rend plus prompts, plus nets et plus sûrs. Tout d’abord, les progrès sont lents, puis deviennent rapides, très rapides, puis s’arrêtent et ne vont jamais plus loin. L’exercice a pour ennemi la fatigue. Une sensation s’affaiblit en se prolongeant et quelquefois s’altère. L’attention aussi se lasse. Née spontanément, la monotonie d’un son ou d’un bruit la fait bientôt disparaître. Volontaire, elle se fatigue d’autant plus complètement et d’autant plus vite qu’il faut plus d’effort pour la maintenir. Le moment précis où la fatigue commence peut souvent être constaté.

Il est des jugements sensibles « directs », ceux dont il vient d’être

  1. § 4, p. 67.