Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
revue philosophique

durée apparente ne sont tels que, sous le rapport de la durée, ils ne << présentent quelque différence objective, si petite soit-elle. » L’apparence va contre cette thèse : il n’importe. Nous pouvons, dans ce cas, affirmer avec certitude que le fait a été mal observé.

Ce passage méritait d’être transcrit. Peut-être même l’auteur n’a-t-il pas fait une halte assez longue sur le domaine de la métaphysique Car, ou notre erreur est lourde ou c’est de métaphysique que M. Stumpf nous entretient ici. On sait le principe des Indiscernables et son grand rôle dans la doctrine de Leibnitz. La métaphysique de M. Stumpf reposerait-elle sur un principe analogue ? Le paragraphe qui vient d’être transcrit ne laisserait, à cet égard, aucun doute. Élève d’Hermann Lotze, M. Stumpf accepte la métaphysique du continu actuel et prend au pied de la lettre le célèbre aphorisme du vieil Éphésien : « Nous ne passons jamais deux fois le même fleuve. »

D’autres reprocheront à notre auteur cette sincérité qui le pousse bien au delà des bornes de l’expérience : il peut sembler curieux, en effet, de voir un psychologue de la nouvelle école, un psycho-physicien, soumettre le témoignage de l’expérience au contrôle de sa métaphysique. C’est, pourtant, le cas d’un assez grand nombre de psychologues allemands contemporains, et des plus illustres, tels que Fechner, Lotze, Wundt lui-même. Ils ont le bon esprit de subir la condition humaine qui est de ne pouvoir éviter l’hypothèse métaphysique, et le bon goût de se l’avouer. Accordons à M. Stumpf l’existence d’un continu actuel, oublions les difficultés auxquelles cette métaphysique expose ses partisans, les labyrinthes où elle les entraîne, et poursuivons notre lecture abrégée de la Tonpsychologie.

On est donc en présence de deux sortes de jugements. Les uns, selon les cas, peuvent être affirmatifs ou négatifs sans cesser d’être vrais. Les autres doivent toujours être négatifs, à peine d’être faux.

Il semble, dès lors, que les jugements de la seconde classe n’aient plus à nous occuper. Affirmatifs, ils sont toujours erronés, a fortiori, toujours objectivement incertains. Ceux de la première classe, au contraire, comportent plus ou moins de certitude selon les circonstances et aussi selon les personnes.

Mais, si le terme certitude est pris dans son acception large, pourquoi ne pas dire que les jugements de la seconde espèce, même affirmatifs, et par conséquent entachés d’erreur, peuvent, en mainte conjoncture, approcher de la vérité ? En géométrie, quand on fait usage du nombre exprimant le rapport de la circonférence au diamètre, on l’écrit souvent : 3,1416. Ce nombre est inexact, mais la quantité dont il s’éloigne du vrai nombre est pratiquement négligeable. M. Stumpf dirait qu’on se trompe en l’écrivant comme on a coutume. Mais si