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L. DAURIAC. — l’acoustique psychologique

« Il y a là une table. » On statue immédiatement sur l’objet et ainsi s’expose-t-on à l’erreur.

Les jugements sensibles qui naissent à la suite des sensations sonores s’appliquent aux trois qualités du son ; ils portent ou sur les hauteurs, ou sur les intensités, ou sur les timbres, ou enfin sur des déterminations spatiales ou temporelles. Voici deux sons : je les localise dans une partie de l’espace plus ou moins vaguement circonscrite ; je les ai entendus successivement, et je juge que l’un a résonné après l’autre. Qu’il s’agisse d’ailleurs des déterminations de ce genre ou des autres qualités du son, peu importe : on apprécie toujours d’après les mêmes règles la certitude des jugements sensibles.

Voici une remarque des plus inattendues et où l’auteur se montre pleinement original. Laissons-lui la parole. « Il est très opportun, nous dit-il[1], et cela pour apprécier le degré de certitude des jugements sensibles, de les envisager à un certain point de vue, duquel une distinction essentielle paraît s’imposer. Il est deux classes de jugements. La première classe comprend ceux dont la forme peut être ou négative ou affirmative selon les cas, et sans qu’il y ait toujours erreur. Dans l’autre classe figurent des jugements dont la forme affirmative impliquera toujours la fausseté, la forme négative toujours la vérité, ou inversement selon la manière dont sera posée la question. Ainsi, deux sons viennent d’être entendus : du premier coup on les distingue. Il reste à savoir lequel des deux sons est le plus haut. Le premier ? le second ? chacune de ces deux questions comporte deux réponses possibles. Selon les cas, l’affirmative sera fausse, la négative vraie, et inversement. Voici maintenant un son d’une hauteur donnée : je demande si cette hauteur est égale à celle d’un autre son. Je demande encore si entre deux sons existe un intervalle pur (ob ein Intervall rein sei). La réponse affirmative sera toujours fausse, la négative toujours vraie. »

Et M. Stumpf ajoute[2] : « La distinction de ces deux classes de jugements s’impose ; elle est incontestable, et voici pourquoi : Partout où le changement continu est possible, il n’y a rien d’absolument égal ni dans le monde extérieur, ni dans le monde intérieur de nos perceptions. Au sens rigoureux du terme, il n’est point d’intervalle pur. Jamais deux longueurs d’ondes sonores ne se trouvent être dans le rapport 1 : 2 ou 2 : 3. Jamais deux sons d’une égale

  1. § 2, p. 24.
  2. Ibid., p. 25.