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L. DAURIAC. — l’acoustique psychologique

par rapport à l’autre ? Mais deux sensations d’intensités différentes n’en forment pas moins, chacune, un tout distinct. C’est ce tout que l’on perçoit.

La thèse de la relativité des sensations s’appuie d’autres postulats : 1o La sensation s’éveille, non à la suite d’une excitation, mais à la suite d’un changement d’excitation. 2o La qualité et la force de l’excitation ne dépendent pas de l’excitation actuelle qui affecte une partie de l’organe : elles dépendent encore de l’excitation précédente de la même partie, et des excitations contemporaines des autres parties du même organe. Voici ce que M. Stumpf objecte à la première proposition sans doute, une sensation sonore nouvelle implique un changement dans l’excitation ; cette condition n’est point nécessaire pour qu’une sensation persiste. Il est vrai que, pour maintenir une sensation au même degré, l’accroissement de l’excitation est indispensable. Toutefois la fatigue du nerf ne vient pas tout de suite, et même la sensation n’atteint pas son maximum dès le premier moment. Il y a plus. Tous les sens ne se fatiguent pas également vite.

Le second postulat peut être accordé si l’on a égard aux sensations de la vue. On aurait tort de l’appliquer indistinctement à tous les sens. Les contrastes, sans doute, influent sur l’intensité apparente d’un son qu’un son se produise dans le silence ou qu’il succède au vacarme, nous le jugerons plus ou moins intense. Cela est vrai de tous les bruits. L’auteur de la Tonpsychologie est décidément, pour les défenseurs de la relativité des sensations, un adversaire irréconciliable. Et il est aisé de le comprendre, car, si la thèse qu’il combat était la vraie, la théorie des jugements sensibles (sinnes Urtheile) cesserait de l’être. Notre rôle n’est pas de décider entre l’une et l’autre doctrine, mais seulement de faire connaître les raisons invoquées par l’un et l’autre parti. M. Stumpf a voulu plaider une cause qui semblait être jugée définitivement et condamnée. Pour la défendre, il a trouvé des arguments spécieux, solides, puisés, comme ceux de ses adversaires, à des sources psychologiques. Le débat recommence, et de nouveau, grâce à M. Stumpf, la question est ouverte.

IV

Si l’on admet l’existence de jugements spontanés portant sur le contenu de nos sensations, un problème se présente tout d’abord, et d’importance capitale. Quelle est au juste la valeur de ces jugements ? Quel degré de confiance peut-on leur attribuer ? Deux personnes que j’interroge sur la qualité d’un son simultanément perçu me donneront