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L. DAURIAC. — l’acoustique psychologique

quents psychiques. Il va donc, continuant l’œuvre d’Helmholtz, nous entretenir d’un sujet entièrement nouveau.

En effet, avant lui, personne à ma connaissance ne s’était occupé des Perceptions musicales. Par où la perception se distingue de la sensation, c’est ce qu’un jeune étudiant en psychologie croirait pouvoir dire percevoir, c’est juger après avoir senti. La sensation est, de tous les phénomènes psychiques, le plus élémentaire ; une sensation est indécomposable : une sensation est réfractaire à tout essai d’analyse, et cela est tellement vrai qu’analyser une sensation ne peut se dire qu’en un sens détourné. Analyser une sensation, c’est, comme fait M. Helmholtz, en déterminer les antécédents organiques et inorganiques. Qui ne voit combien le mot « analyse » s’écarte de la signification usitée ? Loin de décomposer la sensation, on la laisse dans son unité irréductible, on la constate, on cherche une partie de ses causes, rien de plus. Et il faut bien qu’on respecte l’intégrité de la sensation comme telle, puisqu’elle tient dans la classe des faits dits spirituels la place que tient, dans la classe des faits inorganiques, l’atome de la métaphysique ancienne et de la science moderne. Le physiologiste voit dans la sensation un point d’arrivée, un résultat, un conséquent ; le psychologue voit dans la sensation un point de départ, un primum movens, un antécédent au delà duquel on en chercherait vainement un autre. Par conséquent, le premier problème de la psychologie musicale ne saurait porter sur les sensations proprement dites, mais sur les jugements consécutifs à ces sensations, en un mot sur les perceptions auditives.

III

Percevoir, c’est juger, avons-nous dit : c’est se prononcer sur le caractère d’une sensation, sur sa spécificité. Nos jugements sont, en général, des actes réfléchis qui enveloppent plusieurs représentations. Mais, pour que le jugement soit, une pluralité de sensations n’est pas indispensable. Une sensation se produit en nous. Un la vient de résonner à mes oreilles ; je me parle intérieurement et me dis : C’est un la. Voilà un jugement spontanément issu de la sensation. Autre exemple[1]. Le la en question s’est fait entendre, sans que j’y aie pris garde. On me demande quel son s’est produit ; je réponds : un la. Ma réponse est nette, immédiate, exempte d’hésitations. Entre elle et la question, aucune réflexion ne s’est interposée. Chacun peut vérifier le fait. Dès lors, à côté des jugements réfléchis,

  1. Cf. Tonpsychologie, § 1.