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L. DAURIAC. — l’acoustique psychologique

contre lesquelles se fût révolté un Français d’il y a vingt ans. Nos pères, en 1860, sifflaient Tannhäuser, nous admirons Tannhäuser ; pour en venir à l’admirer, nous avons du préalablement l’accepter. — Affaire de variation dans le goût. — Oui, certes. Est-il possible d’admettre, cependant, qu’aux variations du goût aucune autre variation ne corresponde ? Les variations du goût ont leurs causes profondes. Nous sommes, ne l’oublions pas, sur le terrain des beaux-arts, où le sentiment ne se produit qu’après la sensation : or, ne sait-on pas que les variations de notre sensibilité sont soumises en grande partie à des variations d’ordre physiologique ? Sans notre corps, sans la merveilleuse complexité de nos organes sensoriels, où l’esthétique trouverait-elle à se prendre ? Ce sont là réflexions banales et qu’on a tort de négliger. L’œuvre d’Helmholtz aurait-elle eu pour seul résultat de nous y amener que le profit serait grand encore. Mais la Théorie physiologique de la musique visait un autre but la constitution d’une science nouvelle.

Toutes nos perceptions prennent leur source dans nos sensations ; celles-ci, à leur tour, ont une triple raison d’être, psychologique, physiologique, physique. Sentir est un phénomène de conscience : il ne se produirait pas néanmoins si, pour parler la vieille langue, l’âme n’était unie au corps et le corps mis en relation avec l’extérieur. Nos bons écoliers comprennent cela du premier coup et peuvent l’expliquer sans effort. C’est ce que l’auteur de la Connaissance de Dieu et de soi-même exposait à son royal élève, quand il le voulait initier à la philosophie élémentaire. Nul doute à cet égard. Dès lors, une conséquence s’impose : c’est que l’optique, par exemple, donnera lieu à trois ordres de recherches, tout au moins. Nous aurons une optique physique, une optique physiologique, une optique psychologique. L’acoustique se comportera de même. Ces trois ordres de recherches seront distincts.

Distinction n’est pas indépendance. Les phénomènes d’acoustique que le physicien étudie sont ceux qui conditionnent nos sensations, mais dont nos sensations seules nous permettent de soupçonner la présence : inutile d’insister. Donc il est impossible au physicien de ne pas emprunter au physiologiste et réciproquement : le psychologue, de son côté, trouve dans le physiologiste un auxiliaire indispensable. Ainsi s’expliquera-t-on l’économie du livre d’Helmholtz et pourquoi il peut être consulté avec fruit par le physicien, par le physiologiste, par le musicien.

J’en dirai autant d’un autre livre plus court et plus élémentaire. Il n’en est pas moins recommandable, car, sous un mince volume ; il contient toutes les données essentielles de l’acoustique physique, et