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resse le musicien et le psychologue : le musicien, cela va sans dire ; le psychologue, cela n’est guère plus douteux. L’étude des illusions d’acoustique n’a-t-elle point sa place marquée d’avance dans une théorie générale de la perception externe ? D’où vient alors que l’acoustique psychologique se soit fait attendre et que M. Stumpf en soit le premier représentant ?

Pour aborder cette science, il fallait être M. Stumpf, c’est-à-dire un psychologue doublé d’un musicien. L’aptitude à distinguer les sons, à juger de leurs variations quantitatives et qualitatives est un lot qui n’échoit point à tous. Il est curieux de penser combien grand est le nombre des gens qui se disent connaisseurs en musique et qui se font illusion. La plupart ne savent ni écouter ni même entendre. Avoir de l’oreille, au sens complet du mot, est, somme toute, un privilège rare, même chez les dilettanti.

Un don plus rare encore est celui, quand on sait entendre, de réfléchir en quelque sorte cette aptitude, d’en apprécier l’étendue, la délicatesse, de s’observer, d’expérimenter sur soi-même, de généraliser les résultats obtenus et de s’approcher ainsi des lois qui gouvernent les perceptions auditives. J’entends un son, je le nomme. Me suis-je ou ne me suis-je pas trompé en le nommant ? Comment le savoir ? J’entends un bruit je nomme aussitôt l’objet dont je viens d’entendre ou le choc ou la chute. Si je me suis trompé, je me transporte sur le lieu du bruit, ce qui est, d’ordinaire, extrêmement facile. J’en appelle à don Bartholo, quand, au troisième acte du Barbier de Séville, maître Figaro lui brise sa vaisselle. Il entend un bruit et il sait, avant d’y aller voir, l’accident que ce bruit dénote. Il fait là, comme M. Jourdain faisait de la prose, une expérience d’acoustique psychologique élémentaire. L’expérience de Bartholo, et que nos maîtresses de maison souhaiteraient d’avoir moins souvent l’occasion de recommencer, celle-là et d’autres du même genre n’ont rien de scientifique. En les rappelant, j’aide le lecteur à comprendre comment l’acoustique psychologique a pris naissance. Dieu sait pourtant ce qu’il lui a fallu, ce qu’il lui faudra vaincre de préjugés envieillis pour se faire accepter même de tous les philosophes !

La science dont M. Stumpf cherche à jeter les fondements n’est pas, selon toute vraisemblance, de celles qui s’improvisent. Les bons musiciens capables d’être habiles psychologues ne courent ni les rues ni les académies. Et ce n’est pas tout. La psycho-physique, malgré ses perfectionnements, — au bout desquels nous ne sommes pas encore, j’aime à le croire, — ne peut se passer de l’observation interne ; elle ne serait rien sans la psychologie d’introspection. Or les avocats de cette psychologie, les « vieux psychologues », parmi lesquels