Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
215
société de psychologie physiologique

Dans la plupart des cas recueillis par nous :

1o À n’avait jamais eu d’autre hallucination ;

2o Ni la mort ni la maladie de B n’étaient vraisemblables ;

3o La mort et la maladie de B ne pouvaient être connues de A.

Il est impossible d’admettre qu’il s’agit là d’un pur hasard qui se soit répété aussi souvent et avec une aussi éclatante similitude dans la modalité des phénomènes. Nous pensons donc qu’il faut établir une forme particulière d’hallucinations que nous appellerons « hallucinations véridiques » et dont l’existence est justifiée par le nombre imposant de faits authentiques recueillis par nous.


À PROPOS DES IMAGES MENTALES.

J’ai trouvé dans un vieil auteur du xvie siècle, s’occupant de sorcellerie et de démonologie, un passage se rapportant au phénomène des images mentales que j’avais précédemment indiqué[1].

« Il m’est maintes fois arrivé, de nuict, qu’estant en mon lict et ayant tout le corps et principalement la teste couverte de linges et de draps tellement que toutes choses sensibles et visibles estoient hors de devant moy, il me sembloit toutefois advis que je voyois force couleurs perses, verdes, rouges, jaunes, blanches, noires et de toutes autres sortes : laquelle sorte de veue ne peut estre aucunement attribuée aux sens extérieurs, et pour ceste cause je la penserois fainte et imaginaire… Car ce ne sont pas là de vrayes couleurs, mais seulement une action de l’imagination… À sçavoir qu’après que l’imagination a esté fort excitée de quelque chose sensible, ensemble avec le sens extérieur elle en garde l’effigie et le simulacre, là chose estant absente ny plus ny moins que nous faisons quand nous auons trop longtemps tenu nostre regard fiché sur quelque trop claire et véhémente lueur, comme donne à entendre Arist. en son liure du sommeil et de la veille. Et cela n’est seulement véritable quant est des couleurs, mais aussi presque d’une infinité de choses ; car quand sur iour nous faisons quelque chose soigneusement ou que nous traictons sérieusement de quelque propos, les spectres et simulacres de telles choses se présentent de nuict à nous, et arrachent quelquefois de nostre esprit une voix pleine de cris et de troublement. Que si quelcun vient à demander pourquoy nous n’auons pas tousiours ceste vision imaginaire des couleurs, mais seulement quand nous auons longuement et fixement regardé quelque subiet reluisant ou verd, ou rouge ou autre d’autre couleur, nous respondons que c’est

  1. Trois livres des charmes, sorcelages ou enchantements esquels toutes les espèces et causes des charmes sont méthodiquement descrites, faicts en latin, par Léonard Vair, Espagnol, et mis en françois, par Julian Bavdon, Angeuin. Paris, chez Nicolas Chesneau, MDLXXXIII.