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société de psychologie physiologique

rapides, que je localisais sans précision, et qui passaient rapidement devant moi, un peu comme les images d’une lanterne magique ; elles ont beaucoup d’intensité, mais les contours ont moins de netteté et les figures moins de relief que dans les autres hallucinations : ce sont toujours des hallucinations visuelles et toujours très lumineuses (les apparitions du Christ, le cimetière de Heidelberg, etc.) ; les caractères de cette classe d’hallucinations sont à peu près ceux des hallucinations hypnagogiques ; 3o les hallucinations véritables que l’on ne saurait par des caractères intrinsèques distinguer des perceptions réelles (la femme vêtue de blanc, Mlle Is… G., la plume d’autruche, etc.). C’est à cette classe que se rapportent les hallucinations du toucher actif.

Les hallucinations des divers sens ne créent pas en nous des tendances de même intensité à croire à la réalité de leurs objets. On peut les classer à ce point de vue dans l’ordre suivant : ouïe, vue, toucher passif, toucher actif. Les hallucinations du toucher actif ne permettent pas de douter de la réalité de leur objet, ce n’est seulement que lorsqu’elles ont cessé (elles ne durent qu’un instant très court) que la réflexion est capable de distinguer entre elles et les perceptions vraies ; cette distinction ne repose du reste sur aucun caractère intrinsèque des perceptions ou des hallucinations. Les hallucinations qui donnent avec le plus d’intensité l’impression d’être vraies sont les moins persistantes, l’ordre dans lequel disparaissent les hallucinations est d’ordinaire l’ordre inverse de celui que nous venons d’indiquer. Il m’est possible dans de certaines conditions de provoquer chez moi des hallucinations ; mais ce ne sont jamais que des hallucinations de l’ouïe et de la vue.

On peut diviser en trois classes les hallucinations de la vue que j’ai éprouvées : 1o Les unes sont localisées comme le seraient des perceptions vraies ; elles sont situées à la distance et dans la direction où je situerais l’objet d’une perception normale ; 2o d’autres hallucinations (les visions) ne peuvent être localisées avec précision, leurs rapports de position avec les objets réels m’échappent (ces objets du reste disparaissent d’ordinaire pour moi quand j’éprouve des hallucinations de cette nature) : je ne pourrais indiquer ni la place de l’image que j’ai objectivée, ni la distance à laquelle elle se trouve ; cela tient peut-être à leur très courte durée, à la rapidité avec laquelle elles me passent devant les yeux et à leur grande intensité lumineuse, qui efface les couleurs de tous les objets avoisinants ; 3o une troisième classe d’hallucinations (ce sont d’ordinaire des interprétations inconscientes de sensations morbides) est caractérisée par ce fait que l’image hallucinatoire est extériorisée en un point où un objet réel ne saurait être perçu. J’ai vu ainsi des objets ou des parties de mon corps qu’il m’eût été impossible de voir en raison des conditions physiques de la vision, si j’avais eu affaire à des objets réels donnant naissance à des perceptions vraies au lieu d’être le sujet de perceptions hallucinatoires que je localisais faussement par une fausse interprétation inconsciente. J’ai vu un dragon me mordant la nuque, comme je l’ai mentionné plus haut, et je ne