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société de psychologie physiologique

expectante, mise en jeu dans toute sa force, lors de l’expérience précédente, avait été absolument sans action. Les conditions de ces expériences, qui se contrôlent réciproquement, sont d’une simplicité et d’une valeur sur lesquelles j’attire l’attention, parce qu’elles constituent une sorte de schéma à suivre pour la démonstration.

Mme D… prétendait que, toutes les fois que je pensais à elle, elle ressentait une vive douleur dans la région précordiale ; c’était d’ailleurs cette même douleur qu’elle éprouvait encore quand les séances de somnambulisme se prolongeaient, et qui me déterminait à y mettre fin. De fait, après convention préalable, si je voulais que Mme D… descendît de chez elle, je n’avais qu’à m’arrêter dans une rue voisine de la sienne, et à lui en donner l’ordre mentalement. Je ne tardais pas à la voir arriver, et toujours elle me disait que sa douleur au cœur lui avait indiqué ma présence.

On voit que ceci n’est pas, à proprement parler, de la suggestion mentale. Mais de ce côté, je n’ai rien obtenu qui fut bien net, et méritât d’être rapporté, pas plus que du côté de la seconde vue, qui n’a jamais été suffisamment contrôlée.

Ce fut cette douleur précordiale, qui devenait de plus en plus pénible, et tendait à revêtir toute l’apparence d’une véritable angine de poitrine, qui me détermina à ralentir, puis à cesser complètement l’entraînement à coup sûr exagéré auquel j’avais soumis Mme D… à son insu d’ailleurs, car elle ignorait presque toujours même qu’il s’était passé quelque chose, et que son existence était ainsi interrompue à de fréquentes reprises. Par contre, Mme D… était devenue franchement hystérique, et les résultats, moins nets qu’au début, commençaient à être troublés par des menaces d’attaques convulsives. Sur ces entrefaites, Mme D… dut s’éloigner, et je la perdis définitivement de vue. Tels sont les faits que j’ai observés ; je les crois intéressants surtout à ces deux points de vue : 1o l’action efficace de la pensée voulante, en dehors de toute manœuvre, de toute intervention d’un agent physique quelconque ; 2o l’action efficace de la pensée voulante à des distances relativement très grandes.

Je m’abstiendrai d’ailleurs ici de toute théorie ayant pour but de donner une explication de ces faits, explication qui ne pourrait être que prématurée dans l’état actuel de nos connaissances sur ce sujet. En présence de cas de ce genre, la question se pose précisément de savoir ce que sont ces phénomènes qui s’observent en dehors de l’hystérie et de ses attaques classiques, et qui ne leur ressemblent d’ailleurs en rien.

Je me permettrai seulement de rappeler que l’année dernière déjà, j’ai posé cette question, dans les termes mêmes où elle se présente de nouveau aujourd’hui, en un court article que voulut bien publier la Revue scientifique du 28 juin 1884, Le magnétisme animal en dehors de l’hystérie, et dans lequel je faisais appel aux observations de somnambulisme provoqué à distance.

J. Héricourt.