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Une autre fois, j’ai répété cette expérience en la variant de la manière suivante :

Je priai deux de mes collègues de se rendre dans la salle, sous le prétexte d’examiner une malade quelconque ; en réalité afin d’observer comment se comporterait le nº 11, que j’aurais, à ce moment, l’intention d’endormir. Quelque temps après ils vinrent me dire que l’expérience avait échoué. Cependant, cette fois encore, elle avait réussi. Car on s’était trompé en désignant à la place du nº 11 la malade voisine, qui naturellement était restée parfaitement éveillée, tandis que le n° 11 s’était effectivement endormie.

J’aurais dû sans doute répéter et varier avec plus de précision cette expérience intéressante ; mais en pareille matière on ne fait pas tout ce qu’on désire faire, et ceux-là seuls qui ont expérimenté peuvent savoir quelles difficultés de toute sortes, morales et autres, empêchent la poursuite méthodique de l’expérimentation.

Quelques semaines après, la malade retourna dans son pays, à Béziers, je crois, et je n’ai plus entendu parler d’elle.

Je n’ai pu, depuis cette époque, sur aucune personne absolument, reproduire ce même phénomène de somnambulisme à distance.

Si donc le phénomène existe — et je crois qu’il est difficile de le nier absolument — il est extrêmement rare, et ne se produit que dans des circonstances spéciales qui échappent jusqu’ici à la détermination scientifique.

Ch. Richet.

UN CAS DE SOMNAMBULISME À DISTANCE

La question de la suggestion mentale et du somnambulisme provoqué à distance ayant été récemment portée devant la Société de psychologie physiologique par la communication, due à M. Paul Janet, d’une observation très remarquable recueillie sur ce sujet par MM. Gibert et P. Janet (du Havre), le moment est venu, pour ceux qui possèderaient des observations semblables, de les faire connaître.

De tels documents, tant qu’ils sont présentés isolément, restent impuissants à forcer l’attention, tandis que, groupés en faisceau, ils acquièrent de suite une valeur considérable, et peuvent s’imposer à l’étude.

L’observation que je rapporte ici date de l’année 1878, époque à laquelle je l’ai communiquée à mon ami M. Charles Richet, qui l’a gardée fidèlement et prudemment dans ses cartons, pour des raisons faciles à comprendre.

Il s’agit d’une jeune femme de vingt-quatre ans, d’origine espagnole, veuve et mère d’une petite fille de cinq ans. Mme D… est petite, maigre, très brune, et a le système pileux très développé. L’examen le plus minutieux n’a pu faire découvrir chez elle aucune tare hystérique, personnelle ou héréditaire.