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société de psychologie physiologique

mains dans ma cuvette… je ne veux pas. » Comme je n’avais aucune influence sur elle, il me fut impossible de la réveiller et comme on ne pouvait la laisser ainsi il fallut aller chercher M. Gibert. Dès qu’il fut arrivé, il provoqua tous les phénomènes que je ne pouvais provoquer ce jour-là et enfin il la réveilla très facilement. Peut-on croire que dans cette circonstance ma présence dans la maison et la connaissance que j’avais de l’heure choisie par moi où le sommeil devait se produire ait pu avoir quelque influence sur elle et l’endormir. Je ne le pense pas, mais enfin la supposition était encore possible. Nous résolûmes de faire l’expérience d’une autre manière.

Le 14 octobre, M. Gibert me promit d’endormir Mme B… à distance, à une heure quelconque de la journée qu’il choisirait lui-même ou qui lui serait désignée par une tierce personne, mais que je devais ignorer. Je n’arrivai au pavillon où se trouvait Mme B… que vers 4 heures 1/2 ; elle dormait déjà depuis un quart d’heure et par conséquent je n’étais pour rien dans ce sommeil que je ne fis que constater. Même insensibilité et mêmes caractères que précédemment, si ce n’est que la léthargie paraissait encore plus profonde, car il n’y eut pas du tout d’accès de somnambulisme. Il se produisit cependant ce jour-là d’autres phénomènes, mais ils se rattachent à un autre ordre d’idées dont je parlerai tout à l’heure. M. Gibert n’arriva qu’à 5 heures 1/2 ; il me raconta alors que sur la proposition de M. D… il avait songé à l’endormir vers 4 heures 1/4 et qu’il était alors à Graville, c’est-à-dire à 2 kilomètres au moins de Mme B… D’ailleurs il lui fut facile de provoquer la contracture et de réveiller le sujet. Il aurait été bon de répéter cette expérience plusieurs fois, et il est fâcheux que le départ de Mme B… nous ait empêchés de la recommencer. Cependant elle me paraît décisive, si l’on songe qu’elle ne fait que compléter les expériences précédentes et qu’elle se rattache à d’autres faits du même genre qu’il nous reste à exposer.

Le 14 octobre, ce même jour où Mme B… avait été endormie depuis Graville, j’observais pendant son sommeil les phénomènes suivants : À 5 heures précises Mme B… tout en dormant se met à gémir et à trembler, puis murmure ces mots : « Assez… assez… ne faites pas cela… vous êtes méchant. » Elle se lève sur son séant et tout en gémissant se met debout et fait quelques pas, puis en éclatant de rire elle se rejette en arrière sur le fauteuil et se rendort profondément. À 5 heures 5 la même scène se reproduit exactement ; elle commence de nouveau à être troublée, tremble et gémit ; elle se soulève, se met debout et semble vouloir marcher ; au bout de quelques instants elle rit encore en disant : « Vous ne pouvez pas… si peu, si peu que vous soyez distrait je me rattrape », et de fait elle se recouche et se rendort. Même scène encore à 5 heures 10. Quand M. Gibert arriva à 5 heures 1/2 il me montra une carte qui lui avait été remise par une tierce personne, M. D… ; il n’avait pu avoir aucune communication avec Mme B… depuis l’instant où on lui avait remis la carte. On lui proposait de commander à Mme B… différents actes assez compliqués de cinq en cinq minutes depuis cinq