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société de psychologie physiologique

trine se soulève avec effort ; un état de malaise évident semble envahir le sujet. Presque chaque fois, si ce n’est toutes les fois, le corps est agité de frissonnements très fugaces mais réels ; Mme B… pousse un profond soupir et se renverse en arrière plongée dans un sommeil profond. M. Gibert déterminait ce sommeil en lui tenant la main pendant deux minutes ; il m’en a toujours fallu trois ou quatre. L’attitude de Mme B… est alors celle d’une personne profondément endormie : les membres sont flasques ; si on les soulève, ils retombent de tout leur poids sans aucun mouvement volontaire ; l’insensibilité paraît complète ; ni le bruit, quel qu’il soit, ni la lumière même dirigée en faisceau convergent sur les yeux, ni les pincements, ni la brûlure de la peau ne provoquent aucune réaction. Seule la pupille se contracte, mais incomplètement, sous l’influence d’une lumière très vive. Néanmoins il est un genre d’excitation auquel Mme B… reste sensible pendant ce sommeil. Celui qui l’a endormie, et celui-là seul, a le pouvoir de provoquer à volonté une contracture partielle ou générale. Il suffit, par exemple, qu’il place un doigt dans l’extension forcée pour qu’il reste raide comme un morceau de bois, et une personne étrangère ne parvient pas à le fléchir. Si à ce moment le magnétiseur touche même légèrement le doigt contracturé, il s’assouplit instantanément. Pour provoquer la contracture générale, il suffit que le magnétiseur place sa main étendue à une petite distance au-devant du corps. On constate d’abord certains tremblements, puis le corps se soulève et suit la main, comme s’il était réellement attiré par elle. Mais les muscles sont en contracture violente, et, comme ils suivent les mouvements de la main, il s’ensuit qu’on peut facilement provoquer des attitudes contraires aux lois ordinaires de la station assise. D’ailleurs toutes les excitations faites ainsi pendant cette période du sommeil ne réveillent jamais Mme B… Il est très important de remarquer que les phénomènes de contracture dont nous venons de parler ne sont produits que par la personne qui a endormi le sujet ; toute autre peut la toucher, lui comprimer les articulations sans provoquer la plus légère réaction. Je n’ai constaté qu’une fois une petite exception : M. le docteur F…, qui n’avait pas endormi le sujet, provoquait en approchant la main un léger frémissement, mais il ne pouvait pas attirer le corps ni produire la contracture. Cette production de la contracture peut donc être, au moins sur ce sujet, considérée comme un signe caractéristique qui servira, s’il en est besoin, à distinguer la personne qui l’a endormi. Cette personne conserve d’ailleurs sur Mme B…, pendant toute la durée du sommeil, une influence particulière. Elle peut faire cesser la raideur par quelques passes légères au-devant du corps ; elle peut faire disparaître presque instantanément les contractures les plus tenaces en appliquant son front sur celui du sujet ; elle peut supprimer les maux de tête dont le sujet se plaignait avant le sommeil en laissant quelques instants la main sur son front ; enfin elle peut faire changer à volonté les rêves qui ne tardent pas à envahir l’esprit du sujet, en touchant le front ou en pressant les arcades sourcilières.