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SOCIÉTÉ DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE[1]


NOTE SUR QUELQUES PHÉNOMÈNES DE SOMNAMBULISME

Grâce à l’obligeance d’un médecin bien connu de la ville du Havre, M. le docteur Gibert, j’ai pu pendant une quinzaine de jours observer certains phénomènes curieux de somnambulisme. Les faits que j’ai remarqués ont été déjà signalés par bien des observateurs ; mais, comme ils sont fort étranges et jusqu’à présent tout à fait inexplicables, ils sont loin d’être admis par tous ceux qui s’occupent de ces questions : aussi n’est-il pas inutile de les décrire encore une fois. La Société de psychologie physiologique, qui m’a fait l’honneur de me nommer membre correspondant, ne refusera pas, je l’espère, d’accorder quelque attention aux observations que je lui rapporte avec la plus grande exactitude possible.

Le sujet sur lequel ces expériences ont été faites est une brave femme de la campagne que nous désignerons sous le nom de Mme B… Elle a toujours eu, autant du moins que l’on peut le savoir, une très bonne santé, et en particulier elle ne présente à l’état normal aucun des signes de l’hystérie. Elle est seulement sujette depuis son enfance à des accès de somnambulisme naturel pendant lesquels elle peut parler et décrire les singulières hallucinations qu’elle paraît éprouver. Son caractère pendant sa vie ordinaire est très honnête, très simple et surtout très timide ; quoique son intelligence paraisse fort juste, Mme B… n’a reçu aucune instruction, elle ne sait pas écrire et épelle à peine quelques lettres. Plusieurs médecins ont déjà, paraît-il, voulu faire sur elle quelques expériences, mais elle a toujours refusé leurs propositions. Ce n’est que sur la demande de M. Gibert qu’elle a consenti à venir passer quelques jours au Havre, du 24 septembre au 14 octobre 1885, et c’est pendant ce court séjour que nous avons eu l’occasion de l’observer.

Il est assez facile de mettre Mme B… en état de somnambulisme artificiel ; il suffit pour cela de lui tenir la main en la serrant légèrement pendant quelques instants. Après un temps plus ou moins long, suivant la personne qui l’endort, le regard devient vague, les paupières sont agitées de petits mouvements souvent très rapides jusqu’à ce que le globe oculaire se cache sous la paupière supérieure. En même temps, la poi-

  1. Séances d’octobre, novembre, décembre 1885. — Présidence de M. Charcot.