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la métaphysique elle-même a été mise en question, a commencé par la critique systématique, et elle a fini par l’exposition purement historique. Mais l’histoire ne se dégage pas facilement de l’esprit du système où elle s’alimente, et le besoin d’une « métacritique » lui semblait s’imposer. Il prenait donc rang parmi les combattants, avec la pensée haute et ferme de restaurer le grand héros du génie allemand, et il ne tardait pas, en effet, à publier de nouveaux ouvrages, deux entre autres, dans lesquels il exposait, ici le fondement de l’éthique de Kant, là le principe et l’histoire de la méthode infinitésimale, traitée comme un chapitre de la critique de la connaissance.

Les changements introduits dans la deuxième édition portent surtout sur la partie de la théorie des idées afférente à la théorie de l’expérience.

Le principe de l’aperception y a été placé en première ligne, afin de pouvoir passer de l’unité de la conscience à l’unité des principes. Seule, en effet, l’aperception, parce qu’elle unit en un concept les données variées de l’intuition, produit l’unité objective de la conscience et rend ainsi l’expérience possible. Le concept reste vide sans l’intuition, et l’intuition aveugle sans le concept (chap.  ix et x). En même temps, toutes les espèces de principes (Grundsätze) ont trouvé leur centre de gravité dans le principe de la grandeur intensive, et cette sorte de grandeur, sans fournir un axiome à la manière de la grandeur extensive, légitime pourtant des « anticipations » qui supposent dans la grandeur intensive le pur des qualités de sensation, par où l’objet de l’expérience est montré fondé comme grandeur (chap. xii).

Une importante introduction, à la fois historique et critique, ouvre le livre. Les seize chapitres dont il se compose pourraient être distribués grossièrement en trois groupes, le premier groupe étant consacré à l’étude du temps et de l’espace, soit à l’explication métaphysique et transcendantale de ces concepts, à leur portée méthodique et expérimentale ; le deuxième groupe, aux catégories et à leur déduction transcendantale, au sens intime, aux concepts de l’intellect et aux principes synthétiques (principes des axiomes de l’intuition, des anticipations, analogies de la substance, de la causalité, etc., et postulats du possible, du réel, du nécessaire) ; le troisième, à la chose en soi et aux problèmes qui s’y rattachent, antinomie du concept du monde, finalité formelle, idéalisme critique.

Le besoin d’un inconditionné pour servir de support à l’accident phénoménal, le besoin d’expliquer les faits de structure et de qualité qui restent en dehors de toute explication mécanique, la nécessité de régler, en vue d’une description de la nature, l’usage de l’expérience, dont les lois constituent seulement la possibilité comme science mathématique de la nature, et de recourir à des points de vue, à des idées d’un caractère transcendantal, qui seront les buts, les fins : telle est, disons-le en passant, la suite des faits par lesquels M. Cohen s’élève à la notion de cette fameuse chose en soi, que tels néo-kantiens