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ANALYSES.a. firmin. De l’égalité des races humaines.

vient apporter à l’une d’entre elles un développement et des aptitudes auxquels ne sont pas encore parvenues les autres…

Dans les commencements, toutes les races furent également ignorantes et chétives, immorales et laides ; mais, à mesure qu’elles ont évolué, elles se sont améliorées, en transmettant à leurs descendants des facultés destinées à se perfectionner avec le travail des générations successives… Tous n’arrivent pas par les mêmes sentiers ni en même temps. Pourtant qui oserait dire que telle organisation ethnique est supérieure à telle autre, quand on sait quel laps de temps il a fallu, avec le concours des milieux et les accidents favorables, pour que les plus civilisées d’entre les races humaines parvinssent à s’affiner au point où nous les voyons maintenant ?… L’évolution sociale explique seule les différences de complexion morale et intellectuelle qui existent entre les diverses portions de l’humanité.

Peut-être pourrait-on penser que l’organisation physique et interne de certaines races leur constitue une supériorité spéciale, même dans leur marche évolutive ; mais serait-il raisonnable de s’arrêter à une supposition gratuite, quand la nature des climats et les circonstances historiques rendent suffisamment compte de la promptitude avec laquelle ont évolué ces races privilégiées ?

En Europe, toutes les nations même se sont-elles montrées également aptes à l’accomplissement de certains progrès dans la même période historique ?… Les nations, les races, en se coudoyant sur le théâtre de l’histoire, passent sans cesse et reviennent sur la scène avec des rôles différents ; mais, dans la grande harmonie de la destinée humaine, aucun de ces rôles n’est absolument inutile. Les acteurs sont tous égaux en dignité ; dans une transformation perpétuelle, chacun prend et quitte les premières places. Cela continuera ainsi jusqu’au jour où ils pourront se suppléer indistinctement, sans effort ni froissement, dans la fonction capitale qui est de soutenir le flambeau intellectuel, qui éclaire le monde moral et immatériel comme le soleil éclaire le monde physique et matériel.

La race noire aura-t-elle un jour à jouer un rôle supérieur dans l’histoire du monde, en reprenant le flambeau qu’elle a tenu sur les bords du Nil et dont toute l’humanité s’est éclairée dans les premiers vagissements de la civilisation ? Rien ne lui manque pour y parvenir… Il est certain que, dans l’alliance universelle des peuples et des races, il y a et il y aura toujours des groupes avancés et des groupes arriérés… Mais, au lieu de diviser les hommes en races supérieures et races inférieures, on les divisera plutôt en peuples civilisés et peuples sauvages ou barbares, etc.

Nous ne craignons pas de le dire : ce sont là des idées qui se peuvent soutenir, — avec de légères modifications, — et M. Firmin les a soutenues avec un talent remarquable. La science anthropologique actuelle ne saurait apporter encore des preuves suffisantes à sa thèse, mais il est vrai qu’elle ne prouve pas plus suffisamment la thèse