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si je ne me trompe, c’est à cet première inspiration qu’il obéit encore à son insu, dans les passages, d’ailleurs si rares, où l’on peut lui reprocher de mêler des questions de foi aux questions de devoir. Rien ne serait plus injuste que d’incriminer pour cela son œuvre entière. Ce serait lui faire un pauvre procès de tendances, quand son grand mérite est de s’expliquer partout avec la plus entière franchise ; surtout ce serait donner une idée très fausse de sa pensée, qui par une évolution des plus remarquables, partie d’une morale à base théologique, s’est élevée finalement à la pure morale de l’autonomie, avec la psychologie positive pour corps et la religion des postulats pour couronnement.

Henri Marion.

A. Firmin. De l’égalité des races humaines. Paris, F. Pichon, 1885.

Les anthropologistes ont pris l’habitude de qualifier les races noires assez irrespectueusement ; ils les appellent des « races inférieures ». Inférieures en quoi ? Telle est la question que pose M. Firmin, et il accuse l’anthropologie de l’avoir tranchée a priori, arbitrairement, sans preuves scientifiques. Son livre est destiné à démontrer que la croyance des Européens dans l’infériorité native de la race noire est un simple préjugé.

On aurait tort de dédaigner ce livre, œuvre d’un écrivain de mérite, d’un homme instruit, d’un de ces noirs Haïtiens qui forment, à Paris, une petite phalange incontestablement distinguée en même temps qu’animée du plus noble patriotisme. C’est au contraire un livre à lire avec beaucoup d’attention, car il représente une somme de travail considérable, surtout si l’on songe que l’auteur, bien que membre de la Société d’anthropologie, est moins un savant qu’un avocat et un lettré. Il lui a fallu une forte dose de patience et une bien grande ardeur patriotique pour tenter la digestion difficile des plus lourdes compilations anthropologiques et pour affronter même la lecture de quelques, mémoires spéciaux. Aussi bien l’assimilation n’a pas été parfaite, surtout pour la partie anatomique. Il n’en est pas moins vrai que l’éloquent plaidoyer pro domo de M. Firmin mérite d’être lu et médité surtout par les ethnologistes compétents, qui sauront y distinguer les justes critiques et les nombreuses vérités qu’il renferme au milieu de beaucoup de détails inutiles et de discussions stériles. Il y a aussi des erreurs, mais la partie adverse n’en a-t-elle pas commis ?

La thèse soutenue par M. Firmin est la suivante :

En récapitulant, dit-il, toutes les objections qui ruinent, dans leur fondement essentiel, tous les systèmes de hiérarchisation qu’on a essayé d’instituer parmi les divers groupes de l’humanité, il est permis d’affirmer que l’égalité naturelle existe entre toutes les races. Cette égalité ne cesse de se vérifier que lorsqu’un degré supérieur d’évolution