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les cas, mais qui n’offre pas moins un excellent criterium. — On trouvera un profit du même ordre dans l’application des autres formules kantiennes…

« Les principes subjectifs complètent les principes formels. On se demandera, dans un cas donné, quel parti convient le mieux au maintien et au développement de la personne humaine dans toutes ses conditions de santé physique et morale, de dignité et de perfectibilité.

« Enfin les principes objectifs : les considérations d’utilité, d’intérêt bien entendu, au sens le plus large du mot, pour nous-mêmes et pour autrui. Nous rechercherons quel est non seulement l’intérêt le plus grand pour le bonheur du plus grand nombre, suivant la formule de Bentham, mais quel est l’intérêt le plus clair, le plus direct, le plus propre à engager notre responsabilité.

« Ces trois ordres de principes ne sont pas indépendants les uns des autres. Les principes objectifs sont subordonnés aux principes subjectifs et ceux-ci aux principes formels. Il ne faut jamais oublier cette subordination des cas de conscience et des formules destinées à les résoudre. » Voilà en raccourci tout l’ouvrage. Dans chaque partie, on trouverait matière à cent remarques et discussions. Quelques pages un peu vieillies, par exemple sur la division des devoirs et autres questions d’un intérêt secondaire, nous ont paru çà et là ralentir le développement et donner à un livre d’ailleurs si personnel je ne sais quelle apparence inutilement scolaire. Mais la tâche serait infinie, de faire le départ entre ce qui est neuf dans ces idées si sincèrement « repensées » et ce qui l’est moins, entre ce qui pénètre ou entraîne et ce qui laisse froid. Comme preuve du soin minutieux avec lequel nous l’avons lu et de l’importance que nous attachons à ses moindres jugements dans ces choses morales, où il fait si justement autorité, que M. Beaussire nous permette de lui chercher querelle sur deux points de détail, dans ce qu’il a dit des cas de conscience.

C’est une terrible chose que la casuistique. On ne peut l’esquiver, j’en conviens, même dans un livre sur les principes, puisque c’est là qu’on les voit à l’épreuve ; mais quel terrain glissant ! comme il est rare que la doctrine la plus pure ne perde pas à s’y aventurer ! À moins d’une page d’intervalle deux affirmations me rendent perplexe. La première (p. 240) est que les pratiques religieuses, quoiqu’elles ne soient que des devoirs de vertu, ne sont en rien subordonnées au respect des lois, bien que ce respect soit un devoir de droit strict ; qu’on peut légitimement, et cela au point de vue d’une morale tout humaine, mettre ces pratiques au-dessus des lois, parce qu’elles constituent des devoirs d’un tel ordre que le sacrifice n’en peut être légitimement imposé par aucune autorité extérieure. — J’accorde, est-il besoin de le dire ? que l’autorité législative n’a pas le droit de m’imposer le sacrifice de mes croyances religieuses, ni de m’en interdire la manifestation inoffensive ; je glisse même sur les réserves (nécessaires cependant) qu’il y aurait