Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
ANALYSES.é. beaussire. Les principes de la morale.

Émile Beaussire.Les principes de la morale, 1 vol.  in-8o, 307 p. Paris, Félix Alcan, 1885.

Sous ce titre, Les principes de la morale, M. Beaussire a condensé en une œuvre nouvelle des études publiées à différentes époques, notamment sa thèse sur le « fondement de l’obligation morale », qui remonte à 1855. Ce n’est pas, Dieu merci, son testament philosophique : chemin faisant, au contraire, il nous promet une théorie du droit, qui sera la très bien venue et qui, nous l’espérons, ne se fera pas trop attendre ; mais c’est un ouvrage d’ensemble, capital évidemment à ses yeux, où il a eu à cœur de résumer, de coordonner, en le passant au crible, tout ce qu’il avait écrit sur la morale. Cet ouvrage a l’intérêt de tout livre dans lequel un esprit profondément sincère vient, au moment de sa pleine maturité, dire sa pensée définitive sur les problèmes à l’étude desquels il a voué sa vie.

La pensée de M. Beaussire n’a pas subi de transformation brusque : ceux qui ont suivi ses travaux dès l’origine le reconnaîtront tout entier. Il n’est pas de ceux qui, après avoir donné des gages éclatants à une école, se sentent soudain emportés vers une autre, déconcertant la critique par la richesse même de leurs idées et la diversité de leurs points de vue. La bonne foi qui chez d’autres se traduit par la mobilité, chez lui prend la forme de la constance. Un des plaisirs qu’on trouve à le lire est celui de la sécurité. Lui aussi, toutefois, s’est renouvelé depuis trente ans. S’il n’y a pas eu de révolution proprement dite dans ses idées, ses idées ne laissent pas d’avoir suivi une évolution assez marquée. M. Beaussire est de son temps ; il s’est tenu au courant des nouveautés, qui ne lui font pas peur. Loin de fermer sa porte aux bruits du dehors pour n’avoir pas à changer son siège fait, il a voulu lire tout ce qui touchait à ses études de prédilection, n’appliquant pas seulement ses opinions comme criterium à celles des autres, mais les opinions des autres comme pierre de touche aux siennes propres. M. Bersot disait d’un de nos maîtres qu’il aimait le talent, et qu’il y aurait toujours au moins ce lien entre lui et les jeunes gens qui donnent trop à son gré dans des nouveautés aventureuses. On pourrait dire de même que M. Beaussire aime les idées, et que l’impartialité de bonne humeur, mieux que cela, l’ouverte sympathie avec laquelle il accueille tout nouveau sujet de discussion, maintient les communications entre les hardiesses contemporaines, même quand il les condamne, et sa doctrine, d’une inspiration toute classique.

Défendre cette doctrine contre le flot des théories nouvelles, mais la rajeunir en même temps à leur contact, la faire profiter discrètement de ce qu’elles ont d’acceptable, voilà ce que M. Beaussire s’est proposé. Son travail est essentiellement éclectique. De tous les ouvrages publiés en France dans ces dernières années, non sur la morale seulement, mais sur toutes les questions qui l’intéressent, il en est bien peu de quelque valeur qu’il n’ait au moins cités, soit pour les combattre, soit pour s’en servir. La thèse de M. Victor Egger sur la Parole intérieure,