Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
revue philosophique

En modifiant par suggestion les états de conscience du sujet, on modifie également, en même temps et symétriquement, l’écriture de ce dernier. Si on lui suggère la colère, la tristesse, l’orgueil, la coquetterie, le graphisme renfermera, aussi longtemps que le scripteur sera sous l’influence de la suggestion, les signes graphiques de la colère, de la tristesse, de l’orgueil et de la coquetterie.

M. Héricourt parle de la loi d’analogie. J.-H. Michon la connaissait bien cette loi ; il en usa et en abusa même un peu ; il la fit entrer pour une bonne part dans son système, qui se développa néanmoins, presque à l’abri de toute critique, jusqu’au jour où le démon de la synthèse et de la classification vint en troubler l’ordonnance.

Les seules divisions à établir sont, en effet, celles qui dérivent de la nature même des observations.

L’écriture contient un certain nombre d’idiotismes qui résultent de la manière d’être dans la vie et se transmettent des uns aux autres par esprit d’imitation. Rarement un prêtre oubliera de faire précéder son graphisme épistolaire d’une petite croix, le franc-maçon mettra ses trois points symboliques dans sa signature, un peintre en dessinera les initiales avec fantaisie.

C’est la partie purement empirique de la graphologie. Un trait dénote la profession, à peu près comme la position de la rotule du genou indique au médecin le métier de tailleurs d’habits.

Le graphisme, parfois, est l’expression du tempérament, l’indice des troubles qui se produisent dans la machine humaine, et même correspond à telle ou telle particularité physique. Il arrive qu’on peut diagnostiquer l’hystérie, la dipsomanie, la folie, et prévoir le suicide. Quinze fois sur vingt, d’autre part, la couleur des cheveux du scripteur se révèle dans l’écriture pour l’observation exercée. Quel rapport existe entre la nuance des cheveux et tel trait graphique ? Interrogation sans réponse, mais la concordance est là.

Il est, paraît-il, une secte graphologique dont les adeptes font à distance le portrait complet de la personnalité physique. Les résultats obtenus par eux échappent à toute appréciation, leurs procédés d’analyse se transmettant d’initié à initié et n’ayant jamais affronté le grand jour. Mais le but poursuivi par cette école fût-il atteint que ce ne serait encore qu’une face empirique de la graphologie. J.-H. Michon ne voulait pas que l’on prît la personnalité physique pour objectif.

La véritable graphologie est celle qui permet d’atteindre l’état de conscience par delà le phénomène scriptural et physiologique. Et celle-là est un merveilleux instrument d’analyse ; tout ce qui se trouve dans l’écriture se trouve également dans le moi ; la complexité des sentiments volontaires, affectifs ou intellectuels du moi, est rendue dans une complexité similaire, par les signes corrélatifs qui s’étalent sur le papier ; les émotions les plus fugitives laissent leur trace. Il ne s’agit que de voir, d’analyser et de comparer, pour arriver à traduire sans erreur les hiéroglyphes de la pensée.