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colonisations extérieures et intermittentes que l’on remarque seules, soit par ces colonisations intérieures et constantes qu’on appelle la fondation de nouvelles villes, la transformation de bourgs en cités, l’assimilation à la capitale de toutes les cités et de tous les bourgs déjà existants ; en un mot, par la vertu de l’imitation sans cesse agissante dans le sein des sociétés ? Prenez n’importe laquelle des anciennes cités placées sur vos isothermes, Tyr, Babylone, Athènes ; c’est toujours en tous sens qu’elle s’est efforcée de rayonner et de conquérir et qu’elle a effectivement rayonné et conquis. S’il est arrivé le plus souvent que, dans toutes ces directions, sauf celle du Nord-Ouest, ses rayons extérieurs ont rencontré des obstacles qui l’ont empêchée d’allumer de nouveaux flambeaux, cela tient à des circonstances accidentelles sans doute, puisqu’elles disparaissent dans notre siècle ; et, de même que, pour la lumière même polarisée, la polarisation est un accident, le rayonnement omnilatéral, la loi et l’essence, de même pour la civilisation, la marche linéaire, étroite et forcée momentanément, ne doit pas nous masquer l’ambition infinie, universellement rayonnante, qui est son âme et la force essentielle de l’histoire. La vérité de ce point de vue éclate enfin de nos jours, où ce n’est pas de l’Ouest à l’Est seulement que la civilisation indo-européenne rétrograde tout en poursuivant ses progrès en sens inverse, mais encore du Nord au Sud tout en se poussant au Nord le plus possible ; témoin l’Inde anglaise et Java, l’Australie et toute la côte méditerranéenne de l’Afrique, y compris l’Égypte, qui s’européanise à vue d’œil. Par cette ramification de tous les côtés à la fois, notre civilisation finale reproduit le caractère propre, selon toutes les probabilités, aux primitives civilisations, et d’abord aux premières langues qui se sont dispersées dans toutes les directions avec les premières mythologies, allant notamment du Nord au Sud dans toute une grande partie du monde. Je veux parler de l’Océanie, qu’un rayon détaché du génie asiatique éclaira, île par île, dans cette longue odyssée de pirogues et de sauvages que M. de Quatrefages nous a si bien racontée. — M. Mougeolle semble croire que la prochaine floraison de grandes cités destinées à faire oublier Paris, Londres et Berlin, aura lieu sur un isotherme plus froid encore ou moins tempéré que le nôtre, conformément à sa loi. À ce compte, la civilisation n’atteindrait-elle un jour son zénith qu’au pôle Nord ? Non, selon toutes les apparences, ce n’est point au Spitzberg ou au Groenland que la Russie trouvera sa nouvelle capitale, propre à éclipser Saint-Pétersbourg ; ce sera sur les bords du Bosphore ; et l’on dirait à bien des signes que l’avenir ménage à nos neveux ce beau miracle, la résurrection, le refleurissement urbain, après une longue mort, de